Analyse des tensions au Mali – semaine du 4 au 7 avril 2015

Analyse des tensions au Mali
semaine du 4 au 7 avril 2015

Sélection préparée par Oumar Berté

A quelques jours à peine de la cérémonie de signature de l’accord de paix négocié à Alger depuis le mois de juillet 2014, les tensions au Mali inquiètent. Dans le domaine institutionnel, la faible capacité de l’Etat à répondre aux défis sécuritaires que posent les groupes armés, et notamment le MNLA, mais aussi les groupes jihadistes et criminels, pose problème. Sur le volet sécuritaire, la poursuite des actions armées, mais aussi les actes de harcèlement et de criminalité notamment dans les régions du centre mais aussi dans les zones frontalières ont un impact très net sur les populations mais aussi sur les approvisionnements. Cette actualité, marquée par le compte à rebours engagé pour la signature de l’accord de paix à Bamako éclipse le reste de l’actualité et notamment certaines bonnes mesures dans la lutte contre les occupations mais plus encore les cessions illégales de terres. Le Mali et ses partenaires semblent retenir leur souffle tout en multipliant les pressions sur les groupes armés rebelles pour qu’une signature de l’accord de paix final puisse se dérouler dans moins d’une semaine.  

 

Dans le domaine institutionnel

Les violences qui ont repris dans les régions du Nord Mali sont la source d’une inquiétude vive, sur le plan institutionnel, cette semaine. Alors qu’une partie de la population malienne saluait l’annonce de la prise de Ménaka par les GATIA, pro-gouvernementaux, aux forces du MNLA, le gouvernement doit maintenant faire face à une reprise des actes de violences au nord. Dispersées, les attaques des forces hostiles au gouvernement ont touché la région de Mopti, celle de Gao, mais aussi celle de Tombouctou. Alors que les services de sécurité annoncent l’arrestation du chef militaire du Ganda Iso, le gouvernement prépare la cérémonie de signature de l’accord de paix d’Alger, prévue pour le 15 mai dans un contexte on ne peut plus incertain puisque l’équipe de médiation élargie et les partenaires du Mali multiplient les annonces et les pressions pour que cessent les violences avant la signature de cet accord.

  •  Les facteurs structurels

 – Accès aux services publics: Pénurie d’eau et d’électricité à Gao (tweet du 6 mai 2015)

La vile de Gao est confrontée à une pénurie d’eau et d’électricité. Comme d’autres villes maliennes, Gao assure la production d’électricité et le pompage de l’eau grâce à des centrales au fioul. La situation sécuritaire, qui fait peser une grande incertitude sur l’approvisionnement terrestre des marchandises, et donc du carburant, pourrait ne pas être étrangère à cette situation. (lien)

  • Les facteurs amplificateurs

-2FA3: Arrestation du chef des opérations de Ganda izo (article du7 mai 2015)

Alors que les violences dans les trois régions du Nord Mali connaissent un regain de vigueur après la prise de Ménaka par le GATIA, la presse annonce l’arrestation du chef militaire de la milice d’autodéfense Peuhl, le Ganda Iso à Bamako. Celui-ci occupe un poste important dans la gendarmerie en région de Kayes.

Dans les années 1990, face à l’insécurité, certaines ethnies avaient formé des milices d’autodéfense: le Ganda Iso pour les Peuhls, le Ganda Koy pour les Songhaï, le Mouvement Arabe de l’Azawad tendance gouvernementale pour les Arabes. (lien).

– 1 FA4 : lutte contre la corruption: publication du rapport 2014 du Vérificateur Général (article du 5 mai 2015)

Le Bureau du Vérificateur Général a pour vocation à contrôler les ressources publiques de l’État. Il a été institué en 2006 en inspirant du modèle canadien pour lutter contre la corruption et la délinquance financière au Mali. Il produit chaque année un rapport annuel sur la gestion des finances publiques.

Le rapport 2013-2014 fait état d’un déficit de 150 milliards de FCFA contre 102 milliards entre 2002 et 2006.

Pour le Vérificateur, les pratiques de corruption sont aggravées par l’absence de poursuites pénales suites à la publication des rapports de cette institution. Si la loi prévoyait bien la saisine du procureur général de la cour d’appel après publication de ces rapports, depuis sa mise en place dès 1992, aucune procédure judiciaire n’a été ouverte par manque de volonté politique. (lien)

  • Les facteurs déclencheurs

 – 1FD3 : au moins 10 rebelles et 9 militaires tués dans les combats à Léré (article du 30 avril 2015)

Les rebelles du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) ont perdu leur position de Ménaka dans la région de Gao le 27 avril 2015 au profit des groupes armés du GATIA proches du gouvernement malien. Suite à ce revers militaire, les rebelles du MNLA procèdent à des attaques sporadiques des positions de l’armée malienne dans la région de Tombouctou. (lien) (lien 2)

– La médiation appelle à une réunion d’urgence de la Commission Technique Mixte de Sécurité (article du 1er mai 2015)

La reprise des hostilités par les groupes armés le 27 avril 2015, malgré la signature du cessez-le-feu du 23 mai 2015 et de la déclaration de cessez-le-feu du 24 juillet 2014, soulève des inquiétudes au sein de l’équipe de médiation élargie quant à l’issue des négociations entamées en Algérie depuis l’automne 2014. L’équipe de la médiation exorte les parties à respecter les accords de cessez-le-feu et presse la MINUSMA (qui préside la Commission Technique Mixte de Sécurité selon l’article 6 de l’accord de Ouagadougou de juin 2013) de protéger les populations de la reprise des violences. (lien)

– Combats meurtriers à Ténenkou entre armée et rebelles touaregs (article du 6 mai 2015)

La série d’attaques des positions de l’armée malienne par les rebelles du MNLA suite à la reprise de la ville de Ménaka par le GATIA milice proche de Bamako le 27 avril 2015 continue. Après les attaques des villes de Goundam, Léré, Dire et Bintagoungou dans la région de Tombouctou, la région de Mopti est pour la première fois touchée par ce regain de violences. La ville de a été attaquée par des groupes armés rebelles du MNLA depuis la reprise des hostilités le 27 avril 2015. La CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) évoque la légitime défense suite à la reprise de Ménaka par le GATIA milice proche de Bamako pour justifier ces attaques contre les forces armées maliennes. La médiation quant à elle s’active pour obtenir une cessation des hostilités. (lien) (lien 2)

Dans le domaine sécuritaire

Dans le domaine sécuritaire, la première semaine de mai 2015 est marquée par les répercussions de l’attaque de Ménaka mais également la poursuite des actes de violence sporadique dans la région de Gao. Ces deux faisceaux d’actes de violence, si leurs causes sont distinctes contribuent à renforcer la fragilité sécuritaire, avant tout pour les populations qui doivent faire face à l’impact de ces violences sur leur capacité de déplacement, et donc d’approvisionnement, mais aussi pour les négociations d’Alger dont l’issue, c’est-à-dire la signature d’un accord final, devrait intervenir le 15 mai à Bamako.

Explosions de mines, attaques contre les forces internationales, combats sporadiques mais néanmoins meurtriers entre forces armées et groupes rebelles, dont de cette semaine un épisode de violence fort, qui, dans un contexte déjà tendu, incite à la plus grande prudence sur le front à la fois militaire et diplomatique.

  • Les facteurs amplificateurs

– 2FA1 vulnérabilité des frontières: au moins
10 rebelles et 9 militaires tués dans les combats à Léré (article du 30 avril 2015)

– 2FA2 : affrontements meurtriers entre armée et rebelles près de la frontière mauritanienne (article du 1er mai 2015)

Les rebelles du MNLA ont mené des attaques contre les positions de l’armée malienne à la frontière mauritanienne après avoir perdu leur position de Ménaka dans la région de Gao le 27 avril 2015. Les villes de Goundam et de Léré dans la région de Tombouctou ont été attaqué par les groupes armés du MNLA respectivement le 29 et le 30 avril 2015. Ces attaques des groupes armés du MNLA à la frontière avec la Mauritanie surviennent quelques semaines après celles attribuées aux groupes islamistes du Mouvement National de Libération du Macina (MNLM) dans la région de Ségou le 5 janvier 2015 de Nampala et du 12 avril 2015 de Diabaly dans les mêmes frontières mauritanienne. Ces attaques montrent la porosité des frontières maliennes surtout celles avec la Mauritanie. (lien) (lien 2)

– 2FA2 augmentation des activités criminelles: explosion d’une mine dans la région de Gao : trois morts (article du 30 avril 2015)

Dans la région de Gao, un minibus transportant des civils et des commerçants se rendant à un marché hebdomadaire a sauté sur une mine. Ces explosions de mines se multiplient depuis plusieurs semaines et ajoutent à un contexte sécuritaire tendu dans cette région du Mali qui connaît également une multiplication des actes de violence commis par des groupes djihadistes. Récemment, l’insécurité dans cette région avait poussé les transporteurs à lancer un mouvement de grève réclamant un renforcement des patrouilles de sécurité. La multiplication des attaques contre les civils et les forces internationales avait également conduit à une pénurie de denrées sur les marchés de la région. (lien)

– Rebelles et milices pro-Bamako s’affrontent dans le Nord du Mali (article du 1er mai 2015)

Les civils sont plus affectés de cette crise politico-militaire du Mali. Les attaques contre les civils et leurs biens sont fréquentes dans les régions du nord du pays. Malgré la signature du cessez-le-feu de juillet 2014, et le redéploiement progressif de l’administration dans certaines zones du nord, les forces armées et de sécurités ont du mal à sécuriser les personnes et leurs biens dans le nord du pays même dans les zones sous contrôle de l’État.

Les villes de Goundam, de Léré, de Bintagoungou et de Diré dans la région de Tombouctou ont été la cible d’attaques des groupes armés du MNLA respectivement le 29, le 30 et le 1er et le 2 mai 2015. Cette série d’attaques fait suite aux combats du 27 avril 2015 à Ménaka. Les groupes armés rebelles dans leur communiqué avaient expliqué user de leur droit à la légitime défense après le
revers de Ménaka.  (lien) (lien 2)

– Attaque du camp de la MINUSMA à Kidal (article du 6 mai 2015)

A Kidal, le camp de la MINUSMA a été la cible de tirs de mortier dans la nuit du 5 mai. Ces attaques n’ont pas été revendiquées. Cependant, elles interviennent quelques jours seulement après la déclaration d’un leader du MNLA annonçant que les combattants allaient chercher à venger la défaite de Ménaka, accusant le gouvernement d’être responsable de cette action armée. (lien)

Dans le domaine économique

L’attention des médias au Mali s’est concentrée presque exclusivement sur les nouvelles concernant le processus de paix et les rebondissements dans le domaine de la sécurité. Peu d’information a concerné le domaine économique alors que, semaine après semaine, les informations concernant le droit foncier et l’accaparement des terres viennent alimenter cette chronique. Rappelons que la question foncière occupe une place considérable dans les conflits du quotidien au Mali, que ce soit dans le domaine agricole, le logement ou encore le développement économique, comme en atteste le contenu des audiences de l’Espace d’Interpellation Démocratique. Les conflits et les litiges autour de la propriété du foncier mettent en scène conflit de droit, malversation, corruption, cadastre incomplet et mécanismes de règlement de conflit en mille-feuille concurrents. Les intentions du ministre des Domaines de l’Etat, dans le domaine de la lutte contre les accaparements et les cessions illégales envoient un message encourageant.

  •  Les facteurs déclencheurs

– 3FD3 Accaparement des terres: occupation des servitudes des rails : Le ministre des Domaines de l’Etat annonce des destructions d’immeubles (article du 6 mai 2015)

Les conflits fonciers et les spéculations foncières sont fréquents au Mali. Récemment, le ministre des Domaines de l’état, Mohamed Aly Bathily, a annoncé que l’Etat allait faire évacuer et détruire les bâtiments et installations construites dans la zone de la ligne de chemin de fer à Bamako. Les parcelles autour des voies pourtant incessibles ont, au fil des années, fait l’objet de titres de propriété frauduleux. Le ministre entend faire appliquer la loi. (lien)

Dans le domaine social

Dans le domaine social, cette semaine, il faut noter l’importance prise par l’annonce de la « libération » de Ménaka par les troupes du GATIA sur le MNLA. A Bamako, et semble-t-il dans d’autres localités du pays, l’événement a fédérer des foules nombreuses
qui ont témoigné leur soutien au processus de paix. Il faut noter, notamment dans les commentaires d’articles ou sur les réseaux sociaux, que cet événement a également suscité des déclarations clivantes contre les partisans d’une indépendance de l’Azawad. A quelques jours de la signature annoncé de l’accord d’Alger, une attention particulière doit être portée à ces signes d’opposition dans le cadre d’un processus de renforcement des liens entre des groupes de populations que la durée du conflit pourrait avoir éloignés. La signature de l’accord négocié à Alger devra marquer une étape significative dans un effort de long terme pour souder des liens forts entre les populations du Mali, gages essentiels d’une paix durable.

  • Les facteurs structurels

– 5FS2 liens intracommunautaires forts: à Bamako, les habitants de Ménaka affichent leur soutien au Gatia (article du 1 mai 2015)

Les groupes armés du GATIA ont reçu le soutien de la population malienne suite à son succès face aux groupes armés du MNLA à Ménaka le 27 avril 2015. Ils ont aussi été applaudis par les élus et les ressortissants de Ménaka qui vivent à Bamako. Les leaders religieux maliens ont mobilisé une forte foule lors de l’organisation d’un grand rassemblement en faveur de la paix au Mali. (lien)(lien 2)