L’après-Alger, l’avant-Bamako: le Mali à la veille de la signature de l’accord de paix

Par Florent Blanc. Depuis la publication du document énonçant les « arrangements sécuritaires » destinés à permettre la mise en œuvre de l’accord de paix, les groupes de la Coordination des Mouvements de l’Azawad semblent attendre la résolution de la négociation autour du contrôle de Ménaka.

La décision d’imposer au GATIA de se retirer de la ville, prise à Alger par la Médiation, les représentants du gouvernement de Bamako et les émissaires de la CMA, avait provoqué le durcissement de la position du GATIA et de la Plateforme qui réuni les groupes armés pro-gouvernementaux. Dans ce contexte, le GATIA et la Plateforme ont campé sur leurs positions cette semaine, consultant les populations et refusant de se conformer à la décision prise sans eux à Alger, malgré les pressions. Lors d’une conférence devant le Paris Global Forum, le 11 juin dernier, Pierre Buyoya, Haut représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel, avait déclaré que la Médiation avait estimé que la présence du GATIA à Ménaka violait l’accord de cessez-le-feu et que ses combattants devaient se retirer, ne prêtant aucune légitimité à l’expression de soutien des populations « qui peuvent être manipulées » (source). Pierre Buyoya concluait que le GATIA et les groupes de la Plateforme n’auraient d’autre choix que de se retirer, invoquant l’implication du Conseil de Sécurité qui garantit l’accord de paix. Quelques jours plus tard, les colonnes de Jeune Afrique se font l’écho de l’annonce du Haut Représentant de l’UA, rappelant que « le Conseil (de sécurité ndlr) a exhorté les groupes rebelles et pro-Bamako « à s’abstenir de toute action susceptible de saper le processus de paix », exhortant ces derniers à « retirer immédiatement leurs forces de la ville de Ménaka » (source). Rien n’a, cependant, été explicité concernant les garanties obtenues par la Plateforme.

Pourtant, la Plateforme et le GATIA ont continué, cette semaine, à clamer haut et fort qu’ils ne quitteraient pas la ville de Ménaka sans avoir obtenu des assurances concernant la sécurité des populations et des biens.

C’est dans ce contexte qu’avait filtré une information délétère annonçant la nomination possible, dès lundi 22 juin, de Me Harouna Toureh à un poste ministériel. Me Toureh qui, depuis le début de la controverse autour du contrôle de Ménaka, a pris la parole au nom des groupes de la Plateforme, est aujourd’hui la cible d’attaques dans la presse. Accusé par certains éditorialistes de « caporaliser » la Plateforme à son profit (source), l’avocat voit sa position affaiblie au sein même des groupes loyalistes. Au sein du GATIA, certaines voix expliquent notamment que « Me Toureh n’a été mandaté par personne » (source) .

Affaiblie en son sein, la Plateforme annonce, à la veille de la cérémonie de signature de l’accord de paix par la CMA qu’elle accepte de retirer ses forces de Ménaka (source). Dans un document signé par Me Toureh, la Plateforme déclare avoir reçu, de la médiation internationale et des diplomates algériens, toutes les assurances concernant la sécurité des biens et des personnes (source).

A l’issue de ce processus, la question se pose de savoir si la controverse de Ménaka n’a pas affaibli la position de la Plateforme tant vis à vis du gouvernement de Bamako qu’en son sein.

Alors que la Plateforme est amenée à accepter le retrait de ses forces de la ville de Ménaka, permettant ainsi la tenue de la cérémonie de signature de l’accord de paix samedi 20 juin, la CMA, cette semaine a pris les devants en se rendant dans plusieurs camps de réfugiés en Mauritanie et au Niger (source).

A Mbera, un camp qui accueille près de 50 000 ressortissants des régions du nord du Mali, les émissaires de la CMA sont venus expliquer les raisons de la signature finale de l’accord de paix. En précisant que les discussions complémentaires d’Alger avaient permis de lever les réticences énoncées, en mars à Kidal, d’après les émissaires, par la base des mouvements réunis au sein de la CMA, ceux-ci devaient tenter d’apaiser les tensions au cœur même des populations. En effet, certains ne comprennent pas, comme le rapport le HuffingtonPost Maghreb, le retournement d’attitude. Ils sont appuyés par certains cadres du MNLA qui doutent, ouvertement et publiquement, de la stratégie suivie. Présent à Grenoble le 13 mai dernier, Moussa Ag Assarid avait expliqué que le but du mouvement était d’accéder à l’indépendance. Aujourd’hui, dans les colonnes du HuffingtonPost, le représentant diplomatique du MNLA en Europe, explique que « l’accord ne répond pas aux préoccupations légitimes des populations » ajoutant que «la signature de l’accord ne sera pas acceptée sur le terrain » (source). Au sein des militants du MNLA, note Maliweb, les doutes quant aux axes de l’accord restent importants (source) Dès lors, le silence, remarqué, des principaux cadres de la CMA cette semaine, pouvait laisser penser que certains désaccords internes devaient encore être aplanis en prévision de la cérémonie du 20 juin (source).

Enfin, deux informations importantes à noter cette semaine dans le cadre de la conclusion attendue du feuilleton de la signature de l’accord de paix concernaient : la levée des mandats d’arrêt lancés par le gouvernement malien contre de nombreux responsables de la CMA ainsi que le renouvellement prévu du mandat de la MINUSMA dont plusieurs acteurs attendent un rôle plus actif encore dans la mise en œuvre de l’accord de paix.        

Dans le but de permettre la venue à Bamako des responsables de la CMA, le gouvernement de Bamako a choisi de demander au Procureur Général de la République la levée des mandats d’arrêt lancés, pour certains dès
2012. En faisant ce geste, le gouvernement de Bamako, selon la BBC (source) choisit, au lendemain de l’annonce par la Plateforme de son retrait de Ménaka, de faire un geste de confiance pour faciliter encore la signature de l’accord. Si les médias notent la réticence affichée par certains citoyens maliens à ce geste d’apaisement vers les leaders de la rébellion, d’autres, plus nombreux, affirment comprendre la nécessité de cette levée pour permettre, enfin, de mettre un terme à l’épisode de la signature de l’accord de paix.

En même temps, les discussions commencent, dans l’espace public, concernant le renouvellement, dans les prochaines semaines du mandat de la MINUSMA. Alors que la controverse de la mi-mai est passée d’actualité, elle a laissé des traces quant aux attentes des citoyens maliens mais également des autorités du pays envers les forces onusiennes. Alors, dans le contexte actuel et en prévision de l’implication de la MINUSMA dans la mise en œuvre de l’accord de paix, plusieurs acteurs souhaitent ouvertement qu’elle soit dotée d’une capacité de réaction rapide, mais également qu’elle se déploie plus largement encore au nord du Mali pour assumer sa mission de protection des civils.