ENTRETIEN. Guillermo Uribe et la création du musée de la paix de Bucaramanga

Au mois de juin 2012, une délégation de la ville de Bucaramanga, en Colombie, s’est rendue à Grenoble pour évoquer le renforcement des liens qui lient les universités des deux villes, mais évoquer également la participation de l’Ecole de la paix à l’élaboration du projet de création d’un musée de la paix. Guillermo Uribe, administrateur de l’association et professeur, évoque avec nous ce projet.

Entretien réalisé par Lorena Chaparo, stagiaire

Guillermo Uribe est Maître de conférences en Sociologie, Directeur du groupe de recherche en sciences sociales sur l’Amérique Latine (GRESAL) à l’Université Pierre Mendès-France, Grenoble II. Il est aussi membre du Conseil d’Administration de l’École de la Paix de Grenoble et vice-président de l’Alliance Française de Grenoble.

Quels sont les liens entre la ville de Grenoble et la ville de Bucaramanga et comment ils sont nées ?

Bucaramanga est une ville de province au nord-est de la Colombie. C’est une ville de montagnes qui compte 800 000 habitants, ce qui en fait la cinquième métropole de Colombie. Elle dispose d’une dizaine d’universités.

Les relations ont commencé par des liens universitaires. La principale université de la ville a tissé des partenariats avec des universités grenobloises depuis quelques années.

Ensuite, il existe à Bucaramanga une Alliance Française qui est très dynamique. Elle a immédiatement répondu de façon positive à la proposition de contact exprimée par l’Alliance française de Grenoble.

L’Alliance Française de Bucaramanga a pris la décision de financer entièrement une exposition très ambitieuse sur la ville de Grenoble. La presse locale mais aussi nationale, tout comme la télévision ou la radio en ont parlé. A la suite de cet événement, la mairie de Bucaramanga s’est interrogée sur l’éventualité de réaliser de nouvelles actions avec la société civile grenobloise, mais aussi ses entreprises (Pomagalski notamment) ou encore la ville.

Comment à été composée la délégation que a visité Grenoble du 17 au 21 juin et quels ont été les sujets à traiter lors de sa visite ?

Cette délégation devait être d’abord composée par l’Alliance Française et l’université.et ce à la suite de relations établies entre ces deux entités et avec l’Ecole de la Paix sollicité comme organisme de conseil par la Fondation Museo de la Paz en Bucaramanga. Finalement elle est devenue une délégation extrêmement large qui représentait différentes institutions de Bucaramanga. La mairie de Bucaramanga s’est
investie dans cette mission non seulement au niveau « technique », mais aussi du point de vue politique puisque le maire de la ville a fait partie de la délégation ainsi que plusieurs adjoints ! Concernant ces derniers, il s’agissait des personnes déléguées aux transports, au traitement des ordures, à l’éducation et d’autres sur des questions sociales et culturelles. Plusieurs rencontres thématiques ont été organisées en ce sens avec les services de la ville de Grenoble.

Ensuite, la Chambre de Commerce et de l’industrie de Bucaramanga a témoigné son intérêt pour ce déplacement en déléguant son vice-président qui a rencontré la Chambre de Commerce et Industrie de Grenoble.

Troisième volet de la visite : les liens avec le monde de l’éducation et de la formation. Mentionnons ici qu’une délégation académique de Bucaramanga a échangé avec les trois universités de Grenoble. Nous pouvons ajouter qu’une directrice et le président d’une coopérative d’enseignants du primaire et du secondaire ont pu rencontrer de nombreux acteurs locaux.

Pour ce qui est des relations entre des acteurs de la « la société civile » il faut bien évidemment mentionner les liens noués par l’École de la paix à Bucaramanga et ceux qui ce sont crées entre les Alliances françaises des deux villes. C’est ainsi que l’École de la paix et l’Alliance Française de Grenoble ont été à la base de l’organisation de cet événement.

Quels résultats ont été obtenus ? Le bilan général est – il positif ?

En ce qui concerne les relations entre l’Université Industrielle de Santander et l’Université Pierre Mendès France il y a la perspective de créer un master conjoint. Les deux entités travaillent à l’élaboration d’une convention à ce propos.

S’agissant de la coopérative de professeurs Cooprofesores, il va y avoir une collaboration conjointe. Elle enverra des groupes de 15 personnes pour faire un échange entre des professeurs du primaire et du secondaire que viendront à Grenoble à partir de l’année prochaine, pour des petites formations diplomantes dans lesquelles participeront les universités de Grenoble, l’École de la Paix et l’Alliance Française.

Quel est l’avenir des relations entre les deux villes ?

Rappelons tout d’abord que l’objectif était assez concret et consistait d’abord à ce que les élus et les techniciens de Bucaramanga voient ce qu’ils pouvaient trouver à Grenoble comme idées et sources d’inspiration. En ce sens, c’est une réussite. En outre, la ville de Bucaramanga souhaite inviter le maire de Grenoble en Colombie. Evidemment, les autres relations concernent les entreprises, les universités et bien entendu, des institutions de la société civile.

Je veux souligner la pertinence des échanges à envisager avec la coopérative de professeurs de Santander qui est extrêmement puissante, dynamique, riche. Celle-ci prévoit d’ores et déjà des actions très précises pour l’année 2013.

Il est important de signaler que dans cette formation l’École
de la Paix de Grenoble participera dans le volet de l’éducation à la paix, de la citoyenneté et du vivre ensemble.

J’en viens maintenant au sujet qui nous intéresse plus particulièrement et pour lequel l’Ecole de la paix s’est engagé dans le soutien à la visite de la délégation de Bucaramanga. Il existe dans cette ville le projet de création d’un Musée de la Paix. C’est justement cette coopérative de professeurs qui aide les créateurs du Musée dans sa conception.

Indiquons également que, par leur visite, ils ont pu voir le potentiel grenoblois au niveau culturel. Entre autres ils ont rendu visite aux musées grenoblois et principalement au Musée Dauphinois avec in intérêt marqué par les aspects muséographiques.

Comment est né le projet de création d’un Musée de la Paix à Bucaramanga ?

L’idée d’un Musée de la Paix à Bucaramanga vient de la société civile. Il s’agit groupe de personnes qui ce sont concertées dans l’idée de mettre en valeur ce qui relève d’une tradition de paix en Colombie, en particulier dans la région où se trouve la ville de Bucaramanga.

Au moment où est apparue l’idée de la création d’un Musée de la Paix, l’intervention de l’École de la Paix de Grenoble a été rapidement sollicitée. Le Musée Dauphinois ayant été aussi contacté a cet effet, deux missions se sont rendues en Colombie afin de travailler sur l’idée de cette création. dans celles-ci figurait le directeur de l’Ecole de la Paix et le directeur du Musée Dauphinois.

Il y a quelque chose qui, à Bucaramanga, attire l’attention. Les sociétés européennes n’ont pas été toujours très pacifiques. Le continent a vécu des époques d’une violence inouïe. Paradoxalement ces sociétés-là sont devenues des sociétés de paix. Aujourd’hui la Colombie est dans un période de bouleversements majeurs. La violence est en train de se canaliser. Il y a toute une réflexion dans la société civile pour aller vers des sociétés de paix. La France constitue une sorte d’exemple de la façon dont on peut passer d’une situation de guerre vers une situation de paix et comment on peut canaliser la violence et sensibiliser au vivre-ensemble. C’est dans ce sens que le Musée de la Paix est important pour promouvoir la paix, la mettre en valeur et d’agir sur l’éducation.

L’École de la Paix a un rôle important à l’avenir qui dépasse d’ailleurs le cadre du Musée de la Paix de Bucaramanga car comme je l’ai déjà dit il va intervenir dans la formation de professeurs colombiens pour l’éducation à la citoyenneté, à la paix, et au vivre-ensemble.

Quel est le lien entre éducation – culture et paix ? Comment la culture et l’éducation peuvent aider à la construction de la paix?

Dans l’histoire récente la société colombienne a vécu des bouleversements violents. Nous assistons actuellement à un moment de reconstruction mais aussi de retour à certaines traditions afin de trouver dans le passé des ressources que nous pouvons mettre en valeur pour promouvoir la paix.

Ce travail-là passe par la sensibilisation des adultes et évidemment, par l’éducation des enfants. L’idée d’une éducation à la paix fera inévitablement partie d’un projet de Musée de la Paix en Colombie et dans ce sens l’École de la Paix est destiné à jouer un rôle primordial.

Crédits photo (couverture): Jim Stanton, Flickr, licence Creative Commons