Analyse hebdomadaire des tensions au Mali – semaine du 20 au 25 avril 2015

Analyse hebdomadaire des tensions au Mali
semaine du 20 au 25 avril 2015

Analyse préparée par Oumar Berte, stagiaire

Dans le domaine institutionnel

La question de la corruption et de la lutte contre la corruption occupent une large place dans l’actualité de cette semaine. La police est surtout au cœur des scandales de corruption. A cela s’ajoute la question du paraphe des accords par les groupes armés. On constate donc une fragilité des institutions sécuritaires et des difficultés pour les forces armées et de sécurité de sécuriser le pays.

Facteurs Amplificateurs

  • 1FA4  Corruption endémique et impunité

– Spéculation autour des passeports et des cartes d’identités: 242 policiers en suspension dont 42 sous mandat de dépôt (article du 20 avril 2015)

Le ministre de la sécurité a reconnu devant l’Assemblée Nationale, le système de spéculation mis en place par certains policiers autour de la pénurie des passeports et des cartes d’identités nationales pour soutirer de l’argent aux populations. Il a aussi, par la même occasion, annoncé, la suspension de 242 policiers et la mise sous mandat de dépôt par la justice de 42 policiers dans le cadre de l’assainissement de la police nationale (lien)

– Détournement de créance recouvrée à la BIJ ? Le Ministre SadaSamaké est-il au courant ? (article du 21 avril 2015)

La police malienne est fréquemment impliquée dans des affaires de corruption. La semaine dernière, le ministre de la sécurité le colonel Sada Samaké dénonçait devant les députés, la spéculation mise en place autour de la délivrance des papiers d’identités par certains policiers et annonçait par la même occasion les mesures de suspension de 242 policiers et de la mise sous mandat de dépôt de 42 d’entre eux. Cette nouvelle révélation du 21 avril concerne le détournement d’un montant de plus de 2 000 000 FCFA au détriment d’un plaignant qui illustre le degré de corruption au sein de la police nationale du Mali, en charge de la délivrance des passeports. (lien)

 Facteurs déclencheurs

  • 1FD3 : revendications autonomistes et indépendantistes

L’actualité, cette semaine, a été marquée, par le suspens grandissant que fait régner la CMA à propos de sa signature, ou non, ou sous condition, des accords devenus pré-accords de paix, pour le 15 avril, ou le 15 mai 2015. 

– Nord du Mali : Malgré les blocages persistants, la cérémonie de signature de l’accord de paix est prévue pour le 15 mai (article du 20 avril 2015)

Les groupes armés rebelles de la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) refusent toujours de signer le pré-accord proposé par la médiation algérienne et qui a été paraphé par le gouvernement malien et les autres groupes armés. Malgré les tentatives de la MINUSMA, de la France, des États-Unis et des pays voisins du Mali pour convaincre la CMA à parapher le document, elle reste toujours campée sur sa position. Elle estime ne pas pouvoir signer ce préaccord en l’état actuel tant qu’il ne prend pas en compte les revendications d’une autonomie avancée des régions du nord du Mali. (lien 1, lien 2)

– La CMA dit prendre « acte » du communiqué de la médiation internationale (article du 21 avril 2015)

La médiation internationale sur la crise malienne élargie aux États Unis veut adopter une autre stratégie afin d’amener les groupes armés membres de la CMA à parapher les accords le 15 mai 2015. Pour contourner le  refus de parapher les accords par la coordination de la CMA, la médiation tente de diviser la coordination pour  obtenir un paraphe par groupe armé séparément. (lien)

  • 1FD1 Atteinte à l’État de droit aux normes et aux valeurs démocratiques

– Report des élections : les conseillers municipaux dans l’illégalité ?

Le gouvernement a soumis à l’Assemblée Nationale un projet de loi portant prorogation à titre exceptionnel des mandats des conseillers communaux, de cercles, de régions et du district de Bamako. L’Assemblée Nationale a donné son accord pour cette prorogation à titre exceptionnel. Cette prorogation pose problème sur le respect des normes et valeurs démocratiques. Les conseillers avaient été élus en 2009 pour un mandat de 5 ans. Selon la loi, le gouvernement peut proroger seulement leur mandat pour 6 mois renouvelable une seule fois. (lien)

  • 1FD2 Fraude et crise électorales

– Opération d’achèvement du RAVEC : Vers
la modernisation de l’état-civil malien (article du 21 avril 2015)

Les préfets de cercles, le gouverneur du district de Bamako, la CENI, le PAPEM et le PNUD se sont retrouvés autour d’un atelier d’évaluation et de pérennisation du RAVEC. L’objectif est de  rendre l’état civil malien plus fiable et de réduire la fraude électorale avant les prochaines élections des conseillers communaux, de cercles, de régions et du district de Bamako.

Dans le domaine sécuritaire

Le groupe armé jihadiste Al-Mourabitoune est dirigé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. El Mourabitoune est issu d’une siscion du MUJAO lui-même issu d’AQMI. Le groupe El Mourabitoune est actif au Mali depuis 2012 au moins. Ses combattants sont mobiles dans les zones sahéliennes et très actifs entre le Mali, le Niger et l’Algérie. Il a réussi des attaques spectaculaires dans ces trois pays (in amenas du 16 janvier 2013, arlit le 23 mai 2013). Ces derniers jours, le groupe s’est attaqué particulièrement aux civils maliens accusés de collaboration avec les forces internationales (chauffeurs notamment de la MINUSMA et des ONG) mais aussi aux ONG et à la force onusienne dans la zone de Gao (roquettes sur Gao et camp MINUSMA). Dans les zones frontalières du Mali, l’impact de ces violences est conséquent et alarmant puisque cette semaine, certains témoins alertent sur la pénurie de denrées sur les marchés de Gao liée à un mouvement de protestation des transporteurs qui demandent plus de sécurité des axes de communication.

Facteurs Amplificateurs :

  • 2FA1 vulnérabilité des frontières

– Le groupe de Belmokhtar revendique l’attentat contre l’ONU au Mali (article du 17 avril 2015)

Les attaques terroristes sont fréquentes dans les zones frontalières du Mali depuis l’opération serval lancée par la France en janvier 2013. Les attaques à l’explosif de Diabali le 12 avril 2015 et celles contre les convois de la MUNISMA dans la région de Gao le 20 avril 2015 illustrent la porosité des frontières maliennes que les groupes armés traversent pour trouver refuge hors du territoire malien une fois leurs opérations de brigandage ou de guérilla commises. Au terme d’une semaine marquée, de nouveau, par des actes de violence transfrontalière, la question se pose de savoir comment le gouvernement et les forces alliées du Mali peuvent trouver une parade à ces tactiques qui créent une insécurité renforcée dans ces zones. (lien)

  •  2FA1 vulnérabilité des frontières

– Nampala : affrontements entre les FAMA et des groupes armés ( article du 23 avril 2015)

Les forces armées et de sécurité du Mali ont échangé des tires d’armes avec des groupes armés non identifiés à Nampala dans la région de Ségou (à la frontière mauritanienne).Cette ville fait régulièrement l’objet d’attaques de groupes armés. Ces échanges de tirs interviennent quelques jours après l’explosion d’un véhicule des FAMA sur une mine dans la même zone dont il n’a pu être déterminé le groupe qui l’avait posée (lien)

– Trois morts dans un accrochage entre soldats et bandits armés près de la frontière burkinabée (21 avril 2015)

Le mercredi 15 avril 2015, c’est un accrochage qui a eu lieu entre les forces armées maliennes et des groupes armés non identifiés à Boulkessi dans le cercle d’Ansongo non loin de la frontière avec le Burkina Faso. Cette attaque survient dans une zone de violences récurrentes (tirs,mines, embuscades). (lien)

  •  2FA2 augmentation des activités illégales et de la criminalité

– Deux morts dans une attaque contre un convoi de l’ONU dans le nord du Mali (article du 22 avril 2015).

Deux civils ont été froidement abattus dans une attaque terroriste contre un convoi humanitaire de la MINUSMA dans la région de Gao le vendredi 17 avril 2015. Les activités criminelles augmentent dans cette région depuis plusieurs semaine (se référer aux cartes de violence ici). (lien)

– Deux combattants du MNLA tués dans une attaque terroriste à
Kidal (article du 22 avril 2015)

Une attaque armée a visé un poste avancé du MNLA à Tahtist à une quarantaine de kilomètre d’Aguelhoc dans la région de Kidal. Deux combattants du MNLA ont trouvé la mort au cours de l’attaque et trois autres ont été blessés. L’attaque n’a pas été revendiquée mais, les rebelles du MNLA l’attribuent aux islamistes d’AQMI.(lien)

– Kidal: arrestation de 7 personnes  soupçonnées d’être des poseurs de bombes (article du 21 avril 2015).

Le contingent tchadien des forces de la MINUSMA a arrêté à Kidal 7 personnes. Trois personnes parmi ces 7 ont été libérées probablement sans liens avec les faits. Une enquête est en cours. (lien)

– Arrestation de 29 individus détenant des armes et du matériel de guerre à Gao (article du 20 avril 2014).

Les forces armées maliennes ont réussi à mettre la main sur 29 individus détenant des armes et du matériel de guerre dans le nord du Mali. Ces arrestations permettrons de connaitre davantage d’information sur les réseaux de trafic d’arme dans la zone et de connaitre les groupes armés aux quels ces individus sont liés. (lien)

Facteurs déclencheurs

  • 2 FD1 : implantation transfrontalière de groupes rebelles, narco, terroriste.

– Le groupe de Belmokhtar revendique l’attentat contre l’ONU au Mali (article du 17 avril 2015)

Le 17 avril 2014, le groupe terroriste Al-Mourabitoune de MohktarBelMohktar a revendiqué, par un enregistrement diffusé par l’agence de presse privée mauritanienne Al-Akbhar, l’attaque terroriste contre la base de la MINUSMA à Ansongo dans la région de Gao. Ansongo est un cercle du Mali qui partage la frontière avec deux pays (le Niger et le Burkina Faso). Les groupes armés terroristes sont très actifs dans cette zone frontalière et multiplient des attaques contre les civiles et la MINUSMA. (lien)

Dans le domaine social

Le gouvernement malien et les groupes armés de la CMA peinent à conclure un accord de paix. Les accords sont dénoncés par les groupes armés de la coordination de la CMA mais aussi par une bonne partie de la population malienne (sondage du 22 avril 2015, rajouter le lien vers l’article). Cette difficulté d’aboutir à un accord accepté par tous est un signe de la faiblesse des mécanismes de règlement des conflits au Mali. On peut légitimement se poser la question de savoir si la signature de cet accord permettra de résoudre définitivement cette crise. Depuis l’indépendance du Mali, plusieurs accords ont été signé entre le gouvernement et divers groupes armés non
gouvernementaux. La signature de ces accords par toutes les parties ne garantie pas forcement le retour définitif et durable à la paix dans le pays. 
Le Maroc et l’Algérie cherchent chacun à montrer son influence dans le sahel. L’implication de l’autre ou de l’autre dans le règlement du conflit malien est un atout majeur. On peut donc lire une interférence de l’un ou de l’autre dans l’aboutissement des discussions.

Facteurs structurels

  • 5FS4 faiblesse des mécanismes de résolution de conflit

– «Le Maroc est derrière le refus de la CMA de signer les accords de paix d’Alger» (article du 21 avril 2015).

Le Maroc est derrière le refus de parapher les accords de la CMA selon M. Zaoui Ali, expert en questions sécuritaires. Il explique son analyse par la visite au Maroc du Secrétaire Général du MNLA, M.Bilal Ag Cherif. Au cours de sa visite, le Secrétaire Général du MNLA avait été reçu par le roi du Maroc, Mohamed VI. Ce qu’il faut noter c’est la manifestation d’une concurrence entre le Maroc et l’Algérie dans la zone, chacun des deux pays cherchant à se positionner politiquement. (lien)

Facteurs Amplificateurs

  • 5FA3 sous-emploi et marginalisation socio-économique des jeunes

– Naufrages: 24 Maliens périssent en Méditerranée ( article du 23 avril 2015)

Le chômage et le sous-emploi des jeunes amènent certains à prendre le chemin de l’immigration clandestine vers l’Europe à la recherche d’une vie meilleure, cela au risque de leur vie. Plusieurs jeunes Maliens ont péri au cours des derniers mois en tentant de traverser la méditerranée à bord d’embarcations de fortune. Le nombre précis de Maliens concernés est difficile à évaluer. (lien)

  • 2FS2: Sous-équipement et déficit de formation des agents de sécurité

– Au Mali, les policiers réclament plus de moyens (article du 17 avril 2014).

Les policiers maliens manquent de moyens pour accomplir leurs missions de protection des personnes et des biens. Le Syndicat de la Police Nationale (SPN) l’a fait savoir au cour d’une conférence de presse tenue le jeudi 16 avril 2015. Au cours de cette conférence, les policiers ont dénoncé le manque de matériel dont ils disposent notamment en termes d’armement des officiers de police. Dans un contexte sécuritaire marqué par l’augmentation des actes criminels et la menace de nouveaux actes terroristes, les policiers réclament plus de moyens. (lien)

Facteurs déclencheurs

  • 5FD1 : violence des contestations sociales

– Les chauffeurs ont marché hier à Gao (article  du 23 avril 2015)

Le syndicat des transporteurs de la région de Gao est descendu dans les rues  de Gao le mercredi 21 avril 2015 pour protester contre les multiples attaques dont font l’objet les chauffeurs transportant des livraisons de la MINUSMA. Les attaques meurtrières contre les chauffeurs des convois humanitaires de la MINUSMA se sont multipliées ces derniers mois. La dernière remonte la fin de la semaine dernière au cours de la quelle deux chauffeurs ont été tués et trois autres blessés. (lien)

  • 5FD3 : instrumentalisation/manipulation des références identitaires

– Abdoulaye Diop au sujet de la CMA : «Ceux qui refusent seront des ennemis de la paix et seront traités comme tels»( article du 21 avril 2015).

Le ministre des Affaires Etrangères du Mali et celui de la Solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du nord Hamadoun Konaté ont tenu une conférence de presse le 20 avril 2015 au cours de laquelle, ils ont réaffirmé la volonté du gouvernement à aller vers la paix. Ils ont par la même occasion affirmée la signature des préaccords par la CMA le 15 mai prochain. Cette conférence se tient au lendemain d’une rencontre tenue à Alger la semaine dernière entre le gouvernement malien et les groupes armés à l’initiative de la médiation algérienne. (lien)

Dans le domaine de la fragilité économique

L’économie malienne est très fragile. Elle repose en grande partie sur l’agriculture mais l’accès des populations aux denrées alimentaires restent très problématique. Les régions du nord très désertiques dépendent en grande partie des ressources alimentaires provenant du sud mais aussi de l’Algérie et du Niger. L’insécurité qui règne dans ces régions rend très problématique le ravitaillement de ces populations en denrées alimentaires.

Facteurs Amplificateurs

  • 4FA4  Corruption endémique et impunité (économique)

– Le ministre Bathily annule 50 titres fonciers sur plus de 198 hectares aux environs de Kati (article du 22 avril 2015)

Au cours d’une conférence de presse tenue le lundi 21 avril dans les locaux de son ministère, le ministre des domaines de l’État et des affaires foncières, Mohamed Ali Bathily a annoncé avoir annulé 50 titres fonciers sur 198 hectares dans le cercle de Kati. Ces annulations font suite à de nombreuses plaintes des agriculteurs de la zone pour occupation illégale de leur terre par des
promoteurs immobiliers. Cette action du ministre est une bonne nouvelle pour le respect de l’Etat droit et un acte encourageant dans la lutte contre la corruption et l’accaparement des terres. (lien)

Facteurs structurels

  • 1FS3 : vulnérabilité alimentaire :

Twitter : Les prix des produits alimentaires sont a la hausse pour les populations, dans les foires de la région de Gao. (21 avril 2015)

Flambée des prix des denrées alimentaires à Gao. La ville de Gao est la plus grande ville du nord du Mali. Cette ville est la proie à des violences contre les civiles depuis le début de la crise politico-militaire du Mali. Malgré l’intervention des forces françaises pour chasser les islamistes et le déploiement des forces de la MINUSMA, des attaques contre les populations civiles sont très fréquentes dans cette région. Cette insécurité a des conséquences sur le ravitaillement de la région en denrées alimentaires. Nous évoquons dans le 5DF1, la protestation du syndicat des transporteurs à Gao contre les violences dont sont victimes les chauffeurs de la part des groupes armés non gouvernementaux. Les ravitaillements de Gao arrivent généralement du sud du pays et de l’Algérie.

Facteurs déclencheurs :

  • 3FD3 accaparement des terres.

– Litige foncier à Kabalabougou en commune 6 de Bamako : le maire Dagnon et son adjoint Baba Sanou au cœur d’un scandale (article du 23 avril 2015)

Le conseil municipal de la commune 6 de Bamako, dirigé par Souleymane Dagnon, est au centre d’un scandale foncier à la suite d’une expropriation de riverains dans ce quartier par les pouvoirs publics. Le code foncier et les pratiques coutumières sont fréquemment la source de litige entre les populations, les pouvoirs publics et les acteurs économiques comme en atteste, chaque année au mois de décembre, l’Espace d’Interpellation Démocratique.

Si les pouvoirs publics ont bien la possibilité d’exproprier certaines parcelles, elles sont généralement tenues de le faire moyennant le versement d’une compensation lorsque les individus les occupent selon le droit coutumier. Dans le cas de la Commune VI, les populations expropriées devaient être indemnisées par l’attribution de lots de parcelles. Le tribunal de première instance de la commune VI de Bamako a été saisi de l’affaire par les victimes. (lien)