PRESSE. Etre heureux pendant la crise, ça se mesure?

Par Florent Blanc. Au détour de la lecture du Monde du 26 mars 2012, une page retient mon attention en particulier : il y est question de croissance (avec un bel entretien de Dennis Meadows, chercheur au MIT et contributeur des travaux sur la croissance du Club de Rome) mais aussi d’un indice du bonheur. Un encadré sobrement intitulé « Comment va la vie ? L’autre indicateur de la richesse de l’OCDE » (ici), présente en effet la dernière variable mise en œuvre pour proposer une autre mesure de croissance, humaine cette fois-ci.

Les crises économiques, que caractérisent les fluctuations de la croissance, affectent, c’est une évidence, la perception des citoyens de leur qualité de vie présente mais également future. En ce sens, il convient de s’interroger sur le lien qui existe, plus concrètement, entre la situation de crise dont de nombreux pays de l’OCDE font l’expérience actuellement et le sentiment des populations.

Plusieurs hypothèses sont possibles: il est possible d’être satisfait de sa qualité de vie même en période de crise économique ou alors cette dernière représente, selon les indices choisis, une influence considérable sur l’idée de bonheur.

Les citoyens grecs qui battent le pavés depuis l’été 2011, tout autant que les salariés de Fralib (http://cgt.fralibvivra.over-blog.com/), plus proches de nous, témoignent, chacun à leur façon, de l’inquiétude humaine générée quand les Etats et les groupes industriels suivent avec insistance l’évolution des prédictions de croissance.

Dans le fracas des déclarations pessimistes, il existe un certain nombre de voix qui font entendre une préoccupation pour l’idée de bonheur et les instruments de sa mesure. Les travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi (2010) avaient constitué une avancée notable venant supplémenter l’Indice de Développement Humain (IDH) développé par Amartya Sen et Mahbub ul Haq pour le Programme des Nations Unies pour le Développement en 1990.

Dans le cadre de Territoires de paix, vous pourrez constater que l’Ecole de la paix a choisi d’ouvrir, à ce stade du projet, les critères pour analyser l’idée de paix et sa déclinaison à l’échelle des territoires humains. L’économie tout autant que les indices permettant de mesurer l’idée de paix, de bien-être, de la qualité du vivre-ensemble ou d’harmonie nous intéressent donc tout particulièrement.

La lecture de l’encadré du Monde nous apprend que l’OCDE a créé cet indice en 2011 pour palier aux limites d’une croissance mesurée seulement à l’aune du PIB. Si l’équipe de contributeurs du
projet territoires de paix se penchera très certainement prochainement sur les travaux des économistes du bonheur de la commission Stiglitz, Fitoussi, Sen, l’article mentionne effectivement que c’est en référence au rapport de ces trois experts que l’indice fait expressément référence. Pour les trois hommes, la croissance d’une société se mesurerait aussi au bien-être et au progrès social.

C’est donc cette qualité de la vie que l’OCDE cherche à mettre en équation en intégrant des données concernant l’environnement, la qualité de l’eau, ou l’espérance de vie scolaire.

L’indice nouveau intègre donc pas moins de onze catégories qui combinées contribuent à mesurer le bien-être ou la qualité de la vie : logement, revenu, emploi, communauté, éducation, environnement, gouvernance, santé, satisfaction à l’égard de la vie, sécurité économique, et équilibre travail-famille.

L’une des nouveautés de cet indice, c’est l’effort pédagogique, il faut bien le noter, puisque l’indice se présente sous la forme d’un site interactif. L’internaute peut donc, en pondérant chacune des onze catégories prises en compte, créer son propre better life index. Le résultat prend ensuite la forme d’une fleur à onze pétales. Plus avant, l’OCDE ouvre ses données au public pour une première mise en œuvre des principes de l’open data dont nous vous reparlerons bientôt.

(Lyon, 26 mai 2012)