- Cartographie animée: les violences au Mali de juillet 2011 à février 2016
- CARTE. Les événements de violence au Mali de janvier à février 2016.
- CARTE. Les événements de violence au Mali de septembre à décembre 2015.
- ANALYSE. Vacances gouvernementales et prise d'otage au Mali
- ANALYSE. Les groupes armés dans le gouvernement et la tenue des élections locales
METHODE. Chercher pour prévenir: la recherche des tensions
Florent Blanc. Tensions, crises, conflits. Le tryptique ressemble parfois à un engrenage. Pourtant, en cherchant à comprendre les terrains d’intervention et à réellement étudier leur construction sociale et sociétales, il semble possible de mettre à jour ce qui alimente les tensions, réduit la capacité des instances de résolution de conflit et de médiation à agir, et met en opposition violente les hommes. A la suite de la note publiée au sujet de la méthode Do No Harm, l’Ecole de la paix vous propose cette méthodologie de recherche pour approfondir les capacités d’analyse et de diagnostic.
Afin de développer des projets répondant à des besoins locaux en ayant à cœur d’en évaluer, par anticipation mais aussi en cours de mise en œuvre, les impacts positifs et négatifs[1], la collecte d’information est essentielle. Son traitement l’est tout autant. Dans le cadre du projet lancé en lien avec la région Rhône-Alpes et le Réseau Paix, Droits Humains et Développement, le premier cas d’étude choisi est le Mali avec une focalisation plus grande sur la région de Tombouctou.
La crise qu’a connue le Mali n’a pas trouvé encore sa solution. La fin de l’intervention militaire internationale lancée au début 2013 a permis de rétablir le contrôle de l’état malien sur le territoire, même si certaines poches, autour de Kidal notamment, restent en limbo actuellement. La crise, si elle n’est plus militaire, a changé de forme. Les tensions, sous-jacentes avant les violences armées, sont bien présentes. Visibles dans les colonnes des médias, mais plus encore dans les propos tenus par les maliens, des lignes de fractures se distinguent clairement.
Avec en tête l’objectif de contribuer à l’identification des tensions et à la prévention des crises, ce projet vise à mobiliser les ressources collectives du Réseau Paix, Droits Humains et Développement, pour faire l’analyse du contexte de crise et proposer, ensemble, un projet ou des faisceaux d’actions contribuant à la résorption, chacun selon ses capacités et ses outils, d’une situation dont le constat serait partagé. Sans un travail conséquent de recherche sur le contexte du terrain, chaque projet court le risque non seulement d’un gaspillage de ressources mais également de lancer des actions dont les conséquences peuvent être génératrices de tensions supplémentaires.
La note qui suit est la suite logique de la formation Do No Harm que l’Ecole de la paix a reçu en septembre 2013. Afin de mieux comprendre les outils du diagnostic de terrain partagé, il nous a semblé utile et essentiel de proposer quelques éléments de réflexion quant à la conduite de la recherche sur le terrain.
Si plusieurs outils et méthodes existent, bien sûr, il nous est apparu pertinent de nous attacher au travail de capitalisation réalisé par le Catholic Relief Services dont l’expérience sur les terrains de crise, ainsi que la participation au sein du projet collectif a servi à concrétiser la méthode Do No Harm[2]. Dans le futur, cette note sera amenée à être
améliorée par l’addition d’autres techniques et outils éprouvés sur le terrain.
I. La sélection des informations pertinentes
Dans le cadre d’une focalisation sur un terrain comme Tombouctou, ou plus largement le Mali, voici certains éléments qui semblent nécessaires à relever:
- Information sur les communautés humaines locales: identification des structures sociales au sein de ces communautés, leur réseau de solidarité…
- Information sur les modes de vie: structures économiques, la réponse aux besoins essentiels
- Information sur les croyances et le rapport au politique: l’identité culturelle des populations permet de comprendre le rapport au mode de prise de décision mais aussi les choix qui sont faits.
- Information sur l’environnement physique: les ressources naturelles.
II. Les informations nécessaires pour dresser l’analyse d’un contexte donné sont cumulatives
- Recherche documentaire: contexte, histoire, analyses
- Interviews directes: rencontre avec des experts et des gens de terrain, mobilisation de la diaspora
- Visite de terrain: observations directes
- Questionnaires: identification d’acteurs dont la position leur permet de faire des observations fréquentes sur une ou plusieurs ligne de tension (économique, communautaire, politique, justice…).
- Indicateurs généraux: statistiques, rapports internationaux, mesures de performance
- Indicateurs spécifiques relevés lors de certaines activités régulières : santé, agriculture…
III. De l’intérêt de multiplier les méthodologies de collecte d’information
1. Le quantitatif: décrire ce qui se passe
+ Permet d’accumuler les informations chiffrées et d’en faire un traitement statistique pour indiquer des évolutions. Ces données permettent de décrire une situation problématique (nombre de personnes affectées, tendances générales, déficit, besoins…).
– la fréquence de collections des données chiffrées, tout autant que la zone de recueil des données introduit un certain flou dans l’image des problèmes rencontrés par un territoire et une population (diversité interne des situations, généralité, fréquence de collecte…). Autre point négatif: les questionnaires à but statistique permettent difficilement de faire apparaitre les informations sensibles ou critiques.
Moyens: collecte des indicateurs généraux + administration de questionnaires réguliers + enquête participative et déclarative
2. Le qualitatif: rendre visibles les raisons d’une situation
– Les méthodes de recueil qualitatives ne génèrent pas de chiffres
+ Mais elles permettent l’exploration des discours, l’analyse des significatifs, des raisonnements et de faire émerger également les tensions cachées.
Moyens: entretiens personnels pour établir un rapport par lequel certaines informations plus sensibles peuvent être discutées. L’entretien permet également de jouer sur les garanties d’anonymat du répondant, sur sa demande.
3. Les approches verticales: dessiner une enquête de l’extérieur
Ce type de méthodologies met en œuvre un questionnement dont l’orientation et les productions sont décidées par des « spécialistes ». Le rôle alors des « locaux » est limité au fait de répondre aux questions. Dans les cas les plus extrêmes, les populations locales peuvent ne pas être informées qu’elles sont observées.
+ permet une recherche rapide + récolte d’informations générales
– n’entraine pas l’adhésion de la population observée vers un but commun
4. Les approches participatives:
Ici, les populations locales jouent un rôle plus actif dans la collecte d’information qui va au-delà du fait de répondre à un questionnaire. On peut ici imaginer que les participants locaux se chargent d’une partie de la cartographie des actions, des besoins ou des acteurs, ou qu’ils participent et co-animent des groupes de discussion visant à faire émerger un diagnostic partagé. Dans cette démarche, les populations locales font plus que répondre à une interrogation extérieure mais participent à l’émergence et à l’expression de leurs propres questionnements. On peut même imaginer que les populations dessinent elles-mêmes leur enquête, avec ses questions ainsi qu’un but dans la collecte d’information.
– se conçoit sur un temps relativement long, avec un transfert de ressource (méthodologie, accompagnement technique, et financement des enquêteurs).
+ permet de partager un but commun (comme dans le cas d’un projet de coopération). Cette méthodologie permet l’appropriation des buts de la recherche commune et la réalisation d’un intérêt direct (amélioration des conditions de vie, expertise, légitimation, ressources, long terme).
Préparation d’un projet de collecte d’information sur site
Projet court |
Etapes |
Projet long et participatif |
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Buts |
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Equipe |
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Sites |
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Durée |
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Outils et techniques |
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Dé livrables |
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IV. Quelle méthodologie adopter?
Il est bien évident que la méthode choisie dépend des buts, plus que des moyens seulement. Alors que les projets de recherche courts permettent d’établir une base de connaissances précises, ils ne peuvent être utilisés que dans le but d’établir un flash d’information ponctuel sur lequel au mieux baser un travail de diagnostic en phase de pré-projet, de construction de projet, à mi-parcours et en fin de projet. En ce sens, ces phases courtes permettent d’évaluer la faisabilité, les besoins, mais aussi d’adapter le projet en cours et d’en faire l’évaluation finale.
La seconde approche, qui prévoit la mise en œuvre d’un transfert de ressources sur la durée, se soucie non seulement du résultat produit mais plus encore de la réussite d’un travail de
participation active et d’appropriation des méthodes et buts de la recherche. Ancrée dans la communauté, cette méthode permet de viser des buts comme le renforcement de capacités, l’amélioration de la sensibilisation au respect des droits ou encore le renforcement de la cohésion humaine locale. La mise en œuvre de ce second type de recherche permet le transfert d’une capacité aux populations locales qui doit permettre d’identifier des besoins et d’entreprendre la planification d’une stratégie d’action.
1. Mise en garde méthodologique
- Dessiner les objectifs de la recherche: précision et adhésion aux principes de recherche
- Sélection des sources: nombre suffisant pour éviter les imprécisions et l’absence de recoupement des informations.
- Recoupement ou triangulation de la recherche: il s’agit de diversifier les points de vue au sein de l’équipe de recherche tout autant qu’au sein des personnes mobilisées pour collecter les informations. Plus la diversité est forte et moins les biais individuels (partis pris, opinion, a priori et préjugés) peuvent s’exprimer de manière déterminante. On cherche alors à éviter les préjugés du chercheur, de son interlocuteur, celui des techniques utilisées et ceux inscrits dans le projet de recherche. Dans le cas d’une recherche courte, les préjugés peuvent être identifiés au préalable afin d’y prêter une attention particulière (genre, éducation, niveau socio-économique, parti pris méthodologique, insider/outsider). Dans le cas des recherches participatives, le risque classique est celui qu’un groupe minoritaire fausse le design de recherche ou qu’il manipule les travaux pour son propre profit. Pour éviter ce risque ou le minorer, un comité de pilotage mixte et le plus représentatif possible doit être mis en place pour préserver la ligne stratégique décidée en commun par la population appuyée par l’équipe extérieure. C’est ce comité alors qui mobilise la population directement.
- Recoupement ou triangulation des réponses: puisqu’au sein de chaque communauté existent des groupes et sous-groupes, identifiables plus ou moins facilement, il est nécessaire de s’assurer que chacune des opinions puisse s’exprimer: hommes-femmes, générations, niveaux de vie, groupes ethniques ou groupes professionnels. Lorsque le temps de recherche est court, il est essentiel d’identifier les répondants selon des catégories qui ont pu être cartographiées auparavant.
- Recoupement ou triangulation des techniques de recherche: si les interviews personnelles permettent d’exprimer des idées plus complexes et de libérer la parole, l’information qui est fournie n’est pas soumise à la contradiction publique. Au contraire, lors d’interviews de groupes, la tentation peut être de n’exprimer que les opinions les plus communément acceptées tout en incitant les participants à ne pas se livrer à des distorsions trop évidentes.
FACILITATION
Pour faciliter l’appropriation du projet par la population locale, et afin de former les participants à la collecte d’information localement, il peut être intéressant de créer un partenariat avec une équipe ou un chercheur implanté localement.
2. Déterminer les objectifs de la recherche
Il s’agit de déterminer, avant tout, le thème de l’étude (cohésion sociale, alimentation, amélioration de production) avant d’en établir les objectifs, c’est-à-dire ce qu’on veut apprendre. Plus ces éléments sont clairs et plus l’étude sera facilitée.
Si ces objectifs sont flous ou trop larges, la recherche produira des informations sans liens, qui ne peuvent être recoupées. Si au contraire les objectifs sont trop étroits, l’image donnée en fin de projet risque de ne pas permettre de donner du sens ou alors de favoriser l’abandon d’informations pertinentes qui tomberaient en dehors du cadre d’analyse.
Les objectifs peuvent être organisés de la manière suivante:
- Objectif général: « Quelles sont les difficultés rencontrées pour avancer vers la réconciliation comme prélude à la relance du développement durable? »
- Objectifs descriptifs: il s’agit de décrire les pratiques des populations autour de l’objectif général: « qu’est-ce qui se passe », « quel comportement politique depuis les élections », « comment les gens parlent-ils de la situation actuelle », « quelles tensions identifient ils dans leur discours », « qui sont les groupes ou les actions qui sont désignés comme responsables des tensions », » qui est vu comme porteur de solution ou de lien », « quelles sont les institutions ou les occasions qui rapprochent la population », « comment les populations répondent aux tensions? », « comment se manifestent les tensions », « comment se gèrent-elles », « quelles institutions permettent de discuter et de répondre aux tensions »
- Objectifs analytiques: aller au-delà de la description pour chercher les causes à une situation particulière (identifier les tensions sous-jacentes): quelles sont les contraintes et les obstacles rencontrés par la population, quelles sont les relations croisées entre les facteurs de tensions, quelle est la relation entre les pôles en tension?
- Objectif de synthèse: comment unifier tous les objectifs pour préparer une synthèse finale et donner de la cohérence au produit de la recherche?
FACILITATION
Les objectifs doivent être établis de manière collaborative et discutés selon différentes perspectives. Une fois les objectifs fixés, il faut alors déterminer la procédure et l’agenda de recherche.
3. Travaux pratiques: dessiner une feuille de route
Exemple de grille d’objectifs pour une recherche sur la construction de la paix durable dans la zone de Tombouctou
Objectif principal: qu’est-ce qui pose problème aujourd’hui
i. Profil du territoire et de sa population
- Histoire
- Géographie
- Structuration sociale et familiale
- Economie
- Relation vers l’extérieur: pays,
région, international
ii. Description des modes de relation sociale entre groupes
- Organisation des rapports humains
- Les rapports économiques ou de travail
- Les rapports entre populations et institutions
- Ce qui participe à la cohésion, au rassemblement (avant, maintenant)
- Modes de résolution des tensions: personnes, institutions, mécanismes
iii. Description des évènements de la crise
- Quels sont les acteurs
- Qu’est-ce qu’il s’est passé
- Quelles ont été les conséquences
iv. Identification:
- Principales tensions pour la paix: qu’est-ce qui manque, quelle institutions doivent être renforcées, quelle connaissance ou soutien peut être apporté, qu’est-ce qui fait défaut dans la résolution des tensions?
- Stratégies de prévention existantes et à renforcer, inventer
v. Dessiner des stratégies d’intervention et de partenariats pour identifier les tensions et prévenir les crises
Une fois dressée la liste des questionnements de recherche, il faut sélectionner le site de son déroulement et pour cela identifier à la fois la communauté-cible, les ressources locales ainsi que les groupes déjà constitué afin d’organiser des panels cohérents et poursuivre par des interviews individuelles qualitatives.
V. Conduire la recherche sur le terrain
Une fois déterminée la composition de l’équipe de recherche, ses objectifs conçus et discutés collectivement et les communautés-cibles identifiées, la prochaine étape consiste à préparer le déroulement du projet sur le terrain. Si l’équipe doit être préparée et sensibilisée au terrain qu’elle va rencontrer, cette information complète ne doit pas constituer une base future de prédétermination des résultats. Ceux-ci doivent émerger du terrain et des interviews conduites. Pour que les résultats de l’enquête émergent librement, il faut se départir de l’idée d’une organisation trop rigide du temps imparti à la recherche.
Une bonne préparation consiste à déterminer une matrice de résultats au sein de laquelle classer les informations reçues tout en disposant des outils méthodologiques nécessaires pour trouver l’information pertinente.
carto |
Carto sociale |
Interviews au fil de l’eau ou déambulatoire |
Profil historique de la zone |
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Histoire |
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Contexte géo |
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Contexte social |
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Contexte politique |
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Contexte éco |
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Fonctionnement éco |
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Liens sociaux |
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Liens familiaux |
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Liens avec institutions |
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Liens au sein du pays |
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Liens avec l’international |
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Obstacles perçus à la paix |
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Identification des besoins |
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Ce tableau est indicatif pour l’étude envisagée sur le nord Mali. D’autres outils existent et peuvent être envisagés, d’autres questionnements peuvent également apparaitre au cours de discussions en groupes.
1. Organiser le temps de la recherche sur le terrain
3. Rédaction du rapport final
- Raconter l’histoire transmise par le terrain
Il s’agit de décrire la situation vécue par la communauté en s’attachant aux nœuds identifiés dans les objectifs de l’étude. Il faut, dans cette phase, rendre compte des schémas principaux mis à jour au cours de l’enquête afin de faciliter la compréhension du lecteur. Par contre, le rédacteur veillera à ne pas généraliser de manière indue. Une fois l’exposé général finalisé, le rapport doit également rendre compte des variations d’opinions et de situations vécues au sein de la population.
Questionnements indicatifs
Quelle est la situation? Comment est-ce que la population locale perçoit cette situation et la définit? Est-ce que cette vision coïncide avec celle des personnes extérieures à la communauté? Quels sont les facteurs historiques ayant donné naissance à cette situation? Qui est impliqué et pourquoi? Est-ce que la situation est unique ou se répète-t-elle? Si oui, à quelle fréquence?
2. Explorer les causes et les conséquences, mais aussi les contraintes
Dans cette partie du rapport, l’analyse des causes et des conséquences doit permettre de mettre en lumière les liens et les contraintes.
Questionnements indicatifs
- Qu’est-ce qui explique la situation mise à jour?
- Quel est le contexte historique?
- Quels facteurs externes expliquent la situation locale? Comment est-ce que la situation affecte d’autres préoccupations de la communauté?
- Comment est-ce que la situation affecte le bien-être des populations?
Quelles sont les contraintes à l’amélioration de la population?
- L’usage des informations mises à jour pour les populations
Enfin, le rapport doit préciser la manière dont les informations recueillies et les analyses qui en ont été tirées peuvent être utilisées.
Questionnements indicatifs
-
r
- Quelles sont les implications de cette recherche pour l’amélioration du bien-être des populations?
- Comment est-ce que ces informations peuvent être mobilisées pour l’amélioration de la situation?
- Quelles sont les leçons tirées qui peuvent rendre les projets d’intervention plus efficaces?
4. Les outils: conjuguer leurs usages de manière créative
- Entretiens semi-ouverts
- Cartographie participative
Il s’agit d’un exercice qui fait appel à la capacité d’orientation dans l’espace, et qui sert à recueillir des informations sur un éventail de problématiques et de points d’intérêts pour les participants. Dans cet exercice, les participants se voient demandés de tracer eux-mêmes la carte de leur environnement en y faisant figurer ce qui leur semble important. Ici, il ne s’agit pas de tracer une carte précise ou rigoureuse mais plutôt de recueillir des informations et de briser la glace.
Pour commencer, l’équipe de recherche peut demander d’indiquer les principaux bâtiments ou structures au sein de la communauté mais aussi les éléments qui semblent importants aux personnes présentes. Cet exercice nécessite soit une large feuille de papier ou mieux encore un espace au sol: en traçant dans la terre, le sable ou à la craie, les informations peuvent être complétées par les personnes présentes, les erreurs ou approximations corrigées. Ou triangulées.
Les éléments d’informations sont alors indiqués par des objets posés sur la carte au sol. Il est important que l’équipe se tienne en retrait pour laisser les participants tracer leur carte. Sur cette carte participative peuvent figurer les informations suivantes:
- Bâtiments principaux
- Sites marquants
- Infrastructures: eau, santé, éducation, bâtiments communautaires
- Structure sociale: organisation des quartiers, lieux de décision…
- Indication des lieux importants: travail, production, vente, commerce, échange
- Marchés
- Relations avec l’extérieur: route, bus, transports…
- Lieux où on trouve les personnes spécialisées ou les autorités: responsable politique, chef coutumier, médecin, sage femme, notable…
L’intérêt de ce type de cartographie réside dans l’expression des participants: si la carte est réalisée par un groupe hétérogène, elle représentera des vues diverses. Par contre, si le groupe est plus homogène, une autre vision émergera. La multiplication de ces cartes particulières permet de faire apparaitre d’autres phénomènes (opposition, lieux à usage restreint ou exclusif, problèmes propres à un groupe).
- Cartographie sociale
Il s’agit ici d’un outil qui mêle représentation spatiale et identification de certains besoins ou particularités. Ce type de carte fait appel à des informations nécessitant la confiance des personnes qui acceptent de répondre puisqu’elle fait figurer des informations relationnelles (besoins, capacités, particularités, ressources). Cette carte n’est a priori pas partagée sans l’accord des participants.
- Entretiens déambulatoires
Les entretiens déambulatoires consistent à sortir l’équipe de recherche de la salle d’entretiens pour se laisser guider dehors, à la découverte du lieu. Au fil de la découverte, les chercheurs posent les questions sur ce qu’ils voient et ce que le guide leur fait découvrir. Cette étape doit être conduite après la réalisation d’une cartographie participative puisqu’elle met en scène les participants en tant que guide. Cette visite permet de découvrir les limites de la communauté et de rencontrer des personnes nouvelles tout en expliquant le but de la visite. Si l’équipe de recherche est plurielle, plusieurs parcours thématiques peuvent être organisés simultanément pour organiser la collecte d’informations pertinentes. Le résultat de cet outil est une description de l’itinéraire et des zones et personnes rencontrées le long du chemin.
Ex: départ de la place centrale, puis zone de jardins, champs, pour arriver à une zone forestière.
Chaque zone différente est décrite selon l’axe de questionnement choisi ou un ensemble de questionnements: activité, communauté, alimentation, santé, accès aux services publics, difficultés rencontrées… Au final, un diagramme est produit pour être partagé et susciter de nouvelles conversations.
- Diagramme de Venn
Ce diagramme permet à la communauté ciblée de cartographier ses relations avec l’extérieur. Pour cette activité, il suffit d’une feuille de papier. En partant d’une idée claire de ce que l’équipe de recherche souhaite obtenir comme informations, les participants sont invités à tracer les relations existantes entre les structures sociales de la communauté et des groupes qui en sont extérieurs.
Le facilitateur commence par tracer un large cercle représentant la communauté et invite les participants à représenter les institutions de la communauté mais aussi les groupes, comités, associations et individus-clés. En utilisant des marqueurs de taille différentes, il est possible de rendre compte de l’influence de chaque « institutions ou groupements ». Si le questionnement porte d’abord sur les institutions existantes, on passe ensuite aux individus qui jouent un rôle particulier dans la communauté, en prenant soin d’interroger avec précaution sur la répartition des rôles et des perceptions selon le genre.
Une fois le diagramme complété, il faut le questionner, en équipe mais aussi avec les participants pour s’assurer que toutes les informations ont été correctement entrées. Ce schéma permet, une fois achevé, de faire apparaitre les relations d’assistance mais aussi les processus de décisions parfois difficiles à exprimer autrement. Ce diagramme de Venn peut être adapté pour évoquer les relations économiques au sein de la communauté et avec l’extérieur ou alors être élargi pour représenter les relations du village avec des communautés extérieures ou étrangères.
EN CONCLUSION
Indissociable de l’analyse de contexte qui permet de faire apparaître les causes du conflits ou des tensions, ainsi que les facteurs sur lesquels reconstruire un projet de paix durable, la phase de recherche présente la particularité de se construire à plusieurs sur la base d’échanges d’information et d’analyses triangulées.
La vérification des informations tout comme le contrôle des biais de chaque enquêteur/chercheur, est une donnée essentielle à admettre et intégrer. Dans le cas où dépêcher une équipe pluridisciplinaire s’avère impossible, les résultats de l’enquête tout comme les conclusions doivent être discutées au retour de manière critique afin de permettre, par la triangulation expost un début de vérification. Enfin, si l’enquêteur doit expliciter les observations et les conclusions avec l’équipe, ces mêmes informations doivent parvenir aux partenaires de terrain pour faire l’objet d’une autre discussion critique.
[1] Voir note méthodologique « Do No Harm / Ne pas nuir »
[2] Se référer au site suivant : http://www.crsprogramquality.org/