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MISSION. Bamako 2013: culture de la paix et réconciliation au Mali
Florent Blanc. L’Ecole de la paix s’est rendue à Bamako au mois de décembre 2013 dans le cadre d’un projet financé par la Région Rhône-Alpes pour comprendre le processus de réconciliation. A l’écoute de l’évolution de la situation de ce pays en crise depuis le coup d’état de mars 2102, l’Ecole de la paix souhaitait comprendre de manière plus fine les mécanismes de crise mais aussi et surtout comprendre les ressorts de la sortie de crise. La culture de la paix, en partage avec les associations membres du Réseau Paix Droits Humains et Développement, constitué à l’initiative de la Direction de l’Europe, des Relations Internationales et de la Coopération de la Région, constituait la focalisation première en tant qu’instrument et ensemble de méthodes pour penser la reconstruction d’une paix positive dans un pays aux tensions complexes.
A la suite de près de quinze mois passés à analyser, suivre et réfléchir au sujet de la crise malienne, l’Ecole de la paix se devait de se rendre sur le terrain pour y rencontrer les acteurs de la construction de la paix. Dans le but de parfaire la compréhension de la crise passée, alors que celle-ci entre dans une sorte de troisième phase qui mêle travaux de réconciliation et poursuite des opérations militaires visant à sécuriser certaines portions des territoires des trois régions du nord, l’Ecole de la paix a pu consacrer quinze jours sur le terrain.
Les entretiens menés avec les acteurs de la société civile malienne, les ONG internationales, les acteurs étatiques, les membres de l’ambassade et des institutions internationales font apparaitre des divergences d’appréciation concernant les mécanismes de crises et plus encore les facteurs de tensions. De ces analyses naissent des attitudes et pratiques divergentes concernant la perspective de réconciliation et de sortie de crise.
Mené dans le cadre de la coopération décentralisée de la région Rhône-Alpes avec le Conseil Régional de Tombouctou, le projet de l’Ecole de la paix ambitionne de proposer une réflexion collective sur le thème des coopérations décentralisées en période de crise. Les précédents notes méthodologiques et analyses postées ici entendent contribuer à cette réflexion en proposant non seulement un suivi mais aussi des pistes permettant de penser l’approche des crises de manière plus large.
De ces analyses ressortent l’idée forte que les conflits fonctionnent comme des environnements propres dont il faut comprendre l’écologie, c’est-à-dire les modes de relations et d’interdépendance entre les acteurs, les institutions et les normes de fonctionnement en perpétuel mouvement. Conçus ainsi, les terrains, plus encore lorsqu’ils sont en crise, sont à aborder de manière prudente. En effet, comme nous l’avions expliqué dans la note méthodologique suivante (voir méthode DNH expliquée ici), l’intervention extérieure, quelle qu’elle soit (militaire, humanitaire, civile) vient intervenir direction sur les relations et les tensions éventuelles du terrain choisi.
L’apport de ressources extérieures doit dès lors être pensé de manière méthodique pour limiter son impact potentiellement négatif.
Dans le cadre du projet actuel, les coopérations décentralisées et les relations de solidarité qu’elles manifestent, participent également de ce transferts de ressources (financières, matérielles et immatérielles, symboliques également) qui a un impact sur l’environnement local. Pour se prémunir d’impacts négatifs non-intentionnels dans l’administration et la conduite d’un projet en terrain de tensions, et plus encore de crise, la méthode DNH recommande avant tout de conduire une solide étude des conditions de tension sur le terrain en partageant l’analyse et l’enquête avec les acteurs locaux, plus à même d’identifier les tensions et les rapports de force sur un territoire.
C’est en ce sens que peut être notée l’évolution de la coopération décentralisée entre la Région Rhône-Alpes et le Conseil Régional de Tombouctou. La signature, au mois de décembre 2013 d’un accord renouvelant cette coopération pour les quatre prochaines années (voir annonce ici), renforce le double mécanisme de validation des projets de coopération qui seront menés dans la région de Tombouctou, s’assurant ainsi d’une appropriation partagée et surtout d’un accord sur l’identification des besoins locaux.
La réconciliation, qui fait l’objet d’une inscription forte dans la programmation politique du gouvernement malien dans le domaine de la relance de l’Etat et du développement, est au coeur de toutes les discussions à Bamako. Vous découvrirez, à la lecture du rapport de mission, que certains désaccords demeurent ancrés dans les discours quant à la cohésion social intra-malienne. Il n’en demeure pas moins qu’un accord massif se dessine quant à l’importance capitale jouée par l’éducation pour le développement du Mali. Qui plus est, pour les ressortissants et les acteurs politiques des régions du Nord Mali, la préoccupation éducative passe avant tout par la réouverture des écoles, le retour des enseignants et, dans de nombreux cas, la reconstruction des salles de classe qui ont été détruites et pillées durant la phase d’occupation. Sans réouverture des écoles, mais également sans renforcement des compétences des enseignants sur le terrain, les populations qui ont trouvé refuge à l’extérieur des frontières maliennes ou qui ont du choisir le chemin de l’exode dans les régions du sud, ne retourneront pas dans leurs foyers, accentuant encore les traumatismes. Les enfants de ces réfugiés et déplacés ont maintenant été déscolarisés pendant plus de deux ans pour certains. Si dans les camps de réfugiés du Burkina, les ONG et l’Etat Burkinabé ont pu organiser la classe, ce n’est pas le cas dans les camps de Mauritanie où ont fui de nombreuses familles touaregs du Nord au moment de l’invasion à l’hiver 2012.
La fin des opérations militaires de reconquête du territoire, qui ne signifient pas la fin de toute opération armée, n’a pas envoyé le signal d’un retour massif des populations déplacées qui ont fui non seulement la prise de contrôle des trois régions du Nord par les troupes rebelles, mais également les possibles
persécutions ethniques contre les populations touaregs, très souvent assimilées aux éléments rebelles. L’enjeu de la réconciliation nationale se situe là, dans l’apaisement des relations entre communautés capables de retrouver des relations pacifiées au sein desquelles les amalgames et les sentiments d’hostilité (relevés brillamment par les groupes de parole menés par Oxfam, à lire ici).
Nous vous invitons maintenant à découvrir le rapport de mission en cliquant sur le lien suivant Ecole de la paix – Rapport de mission – Bamako décembre 2013 (redux)