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Sur les barricades, le livre de Gene Sharp, le vieux théoricien
Par Florent Blanc. Dans le tumulte des manifestations et des marches de protestation du Printemps arabe, parmi les voix des journalistes et des experts essayant de donner sens à ces éruptions de participation politique citoyenne, un nom résonnait avec force : Gene Sharp.
(cette contribution a été publiée sur le webmagazine Histoires Ordinaires, le 28 novembre 2011)

Le chercheur de l’Ecole de la Paix, Jean Marichez, explique que les travaux de Sharp partent d’une constatation sans équivoque selon laquelle le pouvoir des despotes, et donc leur maintien à la tête d’un État, repose sur l’obéissance de la population et des relais du pouvoir: « un prince ne peut gouverner sans l’aide de ses sujets (…). Ainsi donc, quand une population, dans sa grande majorité, décide de ne plus obéir, le tyran ne peut plus commander ». Les formes que peut prendre cette désobéissance organisée sont multiples: refus d’obéir, défection, blocages administratifs et bureaucratiques, retournement des forces armées… Quand ces protestations et blocages atteignent une taille critique, le dictateur n’a d’autre alternative que de capituler et de négocier son départ.Sharp se préoccupe des processus par lesquels ce pouvoir peut être mis à mal. De ses observations, il a tiré une liste de 198 techniques qui, si elles sont mises en application de manière stratégique, doivent permettre aux contestataires, avec le soutien massif de la population, de renverser les régimes dictatoriaux et d’instaurer une voie stable vers la démocratie.Ce répertoire d’actions se caractérise par plusieurs conditions fondamentales dont le refus du passage à la violence constitue l’axe principal, mais aussi la nécessité de constituer un mouvement populaire massif et enfin le besoin, pour mener à bien le combat du passage à la démocratie, d’établir une véritable stratégie, c’est-à-dire de pouvoir concevoir un cheminement logique et planifié depuis le premier regroupement jusqu’à l’échéance d’une élection libre et démocratique.
Les outils que propose le chercheur états-unien s’organisent selon quatre axes généraux: informer la population et lui faire prendre conscience de sa force et de sa capacité à résister, renforcer les réseaux et les institutions extérieures au pouvoir pour soutenir la résistance, créer une mobilisation interne aux structures du pouvoir pour le bloquer de l’intérieur et enfin développer un « plan stratégique global » et le mettre en œuvre pour libérer le pays.

Comment est-il arrivé dans les mains des manifestants? Il faut remonter aux années de dictature serbe de Slobodan Milosevic. Depuis 1989, il a mis la Serbie en coupe réglée ce qui conduira le pays et la région à l’implosion la plus meurtrière de son histoire. Dès 1996, des manifestations éclatent pour protester contre les fraudes électorales. Deux ans plus tard, les étudiants se mobilisent et s’unissent autour d’un programme politique commun. Le mouvement Otpor (Résistance) est né. Alors que ses rangs s’étoffent, une délégation se rend en Hongrie pour y rencontrer la fondation que dirige Gene Sharp. Les premiers membres d’Otpor sont formés aux techniques de résistance non-violentes. A l’automne 2000, Otpor est parvenu à fédérer les partis politiques contre Milosevic. L’annulation des élections va provoquer une grève générale suivie d’une marche massive sur Belgrade. Peu de temps après, Milosevic est déchu.Ce
mouvement de résistance populaire mené par les groupes étudiants serbes a retenu l’attention d’une partie de la jeunesse du Caire. Alors que les membres d’Otpor transforment leur organisation en un centre de formation aux techniques de résistance non violence, CANVAS (Center for Applied Non Violent Action and Strategies), leurs premiers contacts vont être avec ces jeunes égyptiens qui cherchent désespérément à échapper à la chape de plomb qui règne en Egypte et qui prévient l’obtention des libertés auxquelles la jeunesse aspire.C’est donc à travers l’observation des révolutions serbe en 2000 puis Ukrainienne en 2004 notamment que les jeunes Égyptiens vont chercher à se former auprès de CANVAS. Les ouvrages de Sharp commence à circuler et arrive jusqu’à la place Tarik. Ces mouvements n’ont rien de spontané contrairement à l’image que nous avons généralement de la révolution.
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L’idée de la non-violence est essentielle dans la pensée de Sharp. Un peuple opprimé ne peut vaincre une dictature puisque celle-ci est par définition dotée de moyens militaires supérieurs et d’une capacité de répression de toute insurrection armée sans commune mesure. Une libération par les armes conduirait à utiliser les moyens mêmes qui ont servi à opprimer par le passé.
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La pensée de Gene Sharp est parfois plus complexe qu’il n’y paraît, mais il continue d’insister sur un point qui lui semble capital: le passage à une forme de gouvernement démocratique ne peut se faire qu’à la condition que le changement politique soit initié par la population elle-même.
Aujourd’hui le succès des Égyptiens et des Tunisiens se mesure à l’aune des réformes constitutionnelles qu’ils souhaitent mettre en place mais aussi au formidable élan de participation politique.
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