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NACOTRAFIC. La guerre contre le narcotrafic au Mexique et ses conséquences
Par Florent Blanc et Azadeh Ghaemi. Le Mexique connait depuis 2006 une situation de conflit armé interne, opposant les cartels de la drogue aux forces gouvernementales soutenues par les Etats-Unis. L’intensité des violences et la volonté politique affichée par le Président Felipe Calderon ont contribué à inscrire dans le vocabulaire collectif l’idée qu’il s’agit d’une guerre contre le drogue.Entre affichage politique et réalité d’un conflit qui ne dit pas son nom, le terme mérite qu’on s’y attarde.
Elu en juillet 2006 à la présidence du Mexique, sous l’étiquette du Parti d’Action Nationale, Felipe Calderon prend officiellement ses fonctions le 1er décembre de la même année. Quelques jours plus tard, le 11 décembre, le président Calderon met en pratique son programme électoral de lutte contre le trafic de drogue. La guerre contre le narcotrafic débute avec le lancement de l’opération Conjunto Michoacan qui mobilise des éléments des forces de police, de l’armée et du renseignement. Cette opération, qui vise particulièrement le cartel de La Familia Michoacan est la première d’une série d’une stratégie qui vise à démanteler chacun des cartels mexicains en arrêtant voire en éliminant leurs chefs.
Dès 2006, la seule solution proposée par le gouvernement mexicain au commerce et au transit de stupéfiants sur le territoire mexicain, c’est la répression. Censée illustrer le courage politique du président nouvellement élu, cette politique va, dans les faits, augmenter drastiquement la compétition entre les cartels, accroître le coût du trafic et transformer le territoire mexicain en un véritable champ de bataille. Les victimes civiles vont se compter rapidement en dizaines de milliers.
Les détracteurs de cette politique, parmi lesquels des institutions et des organisations de défense des droits de l’Homme comme la Commission Nationale des Droits de l’Homme du Mexique (cndh.org.mx), Human Rights Watch (rapport 2011) et Amnesty International (rapport sur les violations des DDH commises par les forces armées), des think tanks comme la Brookings Institution (rapport sur la situation mexicaine) mais aussi des groupes impliqués dans la recherche d’une solution politique au trafic de drogues comme Drug Policy Alliance dénoncent le choix fait par Felipe Calderon de calquer la stratégie étatsunienne d’élimination des chefs de cartels dans le but de désorganiser les réseaux et de favoriser les tensions internes par la lutte pour le pouvoir.
La stratégie est mise en œuvre, les chefs de cartel éliminés les uns après les autres. Le 16 décembre 2009, à Cuernavaca, Arturo Beltrán Leyva – chef du cartel des Beltrán Leyva – est abattu; Ignacio Nacho Coronel – un des leaders du cartel de Sinaloa – péri sous les balles le 31 juillet 2010; un des chefs du Cartel du Golfe, Antonio Ezequiel Cárdenas Guillén, dit Tony Tormenta est assassiné le 5 novembre 2010. Le 11 décembre 2010, c’est au tour de Nazario Moreno González, alias El Chayo – chef du cartel de La Familia Michoacán – d’être abattu.
L’instauration d’un climat de suspicion généralisée au sein des organisations criminelles, censée mettre à genoux les trafiquants, ne produit pas les résultats escomptés. La répression, conjuguée au renforcement des controles le long de la frontière avec les Etats-Unis, fait mécaniquement grimper les prix de la drogue en rendant son commerce plus risqué. L’enjeu financier, en devenant plus important, renforce si besoin est la détermination des acteurs du commerce illicite (voir l’article de Courrier International ici).
Dès lors, alors que le nombre de victimes s’accumulent, des voix commencent à se faire entendre qui dénoncent une stratégie qui tend à épargner le cartel de Sinaloa. La journaliste Anabel Hernandez, interviewée par l’Express (lire l’article ici), la « guerre » autoproclamée du président Calderon est tendancieuse, car elle protège, en fait, le cartel de Sinaloa, prolongeant ce qu’avait fait son prédécesseur, Vicente Fox (2000-2006) ».
C’est précisément ce cartel qui, comme l’explique Victor Quintana (voir autre post), a pris le contrôle de Ciudad Juarez à la faveur de la guerre qui oppose les cartels entre eux.
Pierre angulaire du trafic de stupéfiant, la ville de Ciudad Juarez a vu, peut-être plus que toute autre au Mexique, augmenter de manière phénoménale le nombre des victimes civiles. Principale conséquence de cette violence continue, l’érosion des liens sociaux, à Juarez se poursuit sous l’effet combiné de la répression gouvernementale et des violences liées au narcotrafic.
Le commerce illicite de la drogue, comme le constatent les Etats, ne peut pas être combattu uniquement par le déploiement de forces armées, comme au Mexique, ou par une politique de répression pénale féroce et inégalitaire, comme aux Etats-Unis. Si d’autres alternatives, comme celle de la dépénalisation des petits consommateurs fait son chemin, il n’en demeure pas moins que le trafic de stupéfiants génère d’autres maux qui grèvent l’avenir d’un territoire. Outre la violence endémique, c’est, pour le Mexique, la corruption des échelons de l’état qui vient déstabiliser une société toute entière. Les scandales de corruption au sein des forces de police municipale tout autant qu’aux plus hauts échelons des états et du gouvernement fédéral rendent difficilement envisageable, du moins à court terme, la restauration d’un climat de confiance entre les citoyens et leurs représentants politiques.
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Pour aller plus loin:
Vanda FELBAB-BROWN, Calderon’s
Caldron: Lessons from Mexico’s Battle Against Organized Crime and Drug Trafficking in Tijuana, Ciudad Juarez and Michoacan, Brookings Institution, 2011 (ici)
The Economist, dossier interactif Mexique