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ANALYSE. A la recherche d’un équilibre : le pivot de Ménaka, la surprise d’Ansar Dine et la politique gouvernementale
Par Florent Blanc et Oumar Berté
A la suite de la fin des discussions d’Alger entre la Médiation et les représentants de la CMA, le Mali devait connaitre le début d’un mouvement de baisse des tensions dans le domaine institutionnel et politique cette semaine. Dans le domaine institutionnel, le « relevé de conclusions des consultations préparatoires à la mise en oeuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger« , c’est-à-dire la réponse faite par la Médiation aux remarques de la CMA devait clarifier la voie vers la signature de l’accord de paix par la Coordination des Mouvements de l’Azawad. Sur le plan sécuritaire, le document « accord d’arrangement sécuritaire », rendu public le même jour, devait permettre de résoudre les tensions autour de la ville de Ménaka. La semaine s’est déroulée, sur le plan de l’actualité malienne, quelque peu différemment.
Misséni : attaque terroriste dans la région de Sikasso
Alors que l’attention générale était focalisée sur la zone de Ménaka à la fin de la semaine dernière, c’est au sud du Mali qu’une attaque est venue surprendre les forces de sécurité présentes au Mali.
En effet, le 9 juin 2015, un groupe armé s’est emparé du poste de contrôle de la gendarmerie de la localité de Misséni, dans la région de Sikasso, à la frontière du Burkina Faso et de la Cote d’Ivoire.
L’attaque, attribuée rapidement au groupe Ansar Dine a pris les analystes et les responsables militaires de court à plusieurs titres. Tout d’abord parce que Misséni et plus largement la région de Sikasso n’ont pas connu de violences au cours des dernières années. Relativement épargnée sur le plan des violences, la zone est surtout caractérisée par le fait d’être une région agricole.
La prise momentanée du poste de la gendarmerie de Misséni a également surpris par la nature du groupe responsable. En effet, Ansar Dine avait plus ou moins disparu du jeu armé malien après le début de l’opération Serval en 2013. Repoussé par les forces armées françaises et maliennes, le groupe terroriste avait subi de lourds revers, l’élimination de plusieurs de ses chefs et connu des scissions internes qui l’avaient affaibli. Malgré quelques tentatives d’incursions dans les zones de la région de Kidal à proximité de la frontière algérienne au cours de l’année 2014, les forces de sécurité avaient localisé les combattants d’Ansar Dine dans le sud de la Libye. Depuis la revendication d’une attaque à la roquette contre les forces de la MINUSMA à Tessalit en décembre 2014, le groupe n’avait plus fait parler de lui.
Faut-il s’inquiéter, dès lors, de cette incursion d’Ansar Dine dans le sud malien ?
C’est la question qui préoccupe tout le monde. Que le poste de gendarmerie d’une région peu habituée aux combats tombe aux mains de combattants terroristes n’est peut être pas aussi surprenant que le choix de cette localité, située bien loin de leurs zones d’opération les plus fréquentes.
Si la zone de Misséni est plus connue pour l’agriculture, certains expliquent que l’orpaillage s’est également développé récemment. L’appât du gain mais aussi la forte présence d’ouvriers étrangers dans la zone auraient pu permettre aux combattants du groupe terroriste de se glisser discrètement à
travers la frontière malienne.
La mort d’un gendarme malien mais aussi le fait d’avoir osé faire flotter le drapeau du groupe terroriste (noir ou rouge sur fond blanc) apparaît comme une provocation sérieuse. (lien)
Par ailleurs, alors que les principaux rivaux, historiquement, d’Ansar Dine, à savoir le MNLA et ses alliés, s’apprêtent à signer l’accord de paix le 20 juin, la situation sécuritaire semble encore fragilisée sans que les forces armées maliennes ni les forces internationationales de la MINUSMA ou de Barkhane n’aient pu prévenir cette opération terroriste.
Ménaka et la signature de l’arrangement sécuritaire
Du coté de Ménaka, la situation, cette semaine était plutôt volatile. Alors que le document présenté par la Médiation à la suite des consultations avec les représentants du MNLA prévoyaient des « arrangements sécuritaires » concernant la ville et sa proximité, le GATIA semblait jouer sa propre partition.
Le document présenté à Alger la semaine précédente prévoyait le retrait du GATIA, sans que celui-ci n’ait été consulté ou inclus dans l’échange. La MINUSMA, rappelons-le, devait assurer le contrôle de la ville alors que les groupes armés se retiraient en périphérie de la ville.
Jouant sur le soutien de la population et mettant en avant la crainte des habitants de voir les forces du MNLA revenir, le GATIA fait entendre qu’il ne retirera pas ses forces sans obtenir de contreparties concernant le sort des populations.
En jouant le chronomètre, le groupe progouvernemental, qui jouit depuis le 27 avril dernier d’un sentiment favorable au sein d’une partie de la population malienne, vient faire tanguer le bateau du gouvernement malien. En effet, en ne consultant pas le GATIA quant à la situation de Ménaka et en validant tacitement la décision prise à Alger par la Médiation, le gouvernement place le GATIA et derrière lui, les groupes de la Plateforme, dans une situation délicate. Alliés du gouvernement dans le règlement de la crise et déjà échaudés par la décision du gouvernement d’accéder à la demande de la Coordination des Mouvements de l’Azawad de rouvrir les discussions avant qu’elle ne signe l’accord, les mouvements progouvernementaux pourraient menacer de revenir sur leur signature.
De l’autre coté, la CMA a fait du retrait du GATIA de Ménaka la condition de sa signature, le 20 juin 2015, de l’accord de paix.
Le gouvernement malien et la Médiation internationale se trouvaient donc à la fin de la semaine dans une situation difficile. (lien). Cette impasse diplomatico-sécuritaire a servi de contexte à l’enlèvement de deux civils retrouvés assassinés autour de Ménaka (lien).
Pour tenter de prévenir les
manifestations populaires qui ont, par le passé, parfois conduits à des actes de violence, les autorités de Bamako et la MINUSMA communiquent pour apaiser les tensions. Ainsi, le 9 juin, la MINUSMA avait donné rendez-vous aux leaders religieux du pays pour expliquer le rôle de la mission intégrée des Nations-Unies au Mali. C’est cette occasion qu’a saisi le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, pour montrer les liens entre le Mali et la MINUSMA, après la polémique récente née lors de la cérémonie de signature de l’accord de paix le 15 mai dernier (lien).
Cette actualité sécuritaire et diplomatique chargée aurait presque fait oublier le discours de politique générale du premier ministre Modibo Keïta devant l’Assemblée Nationale. Quatre mois après sa nomination, M. Keïta a présenté les grandes lignes de son programme gouvernemental, insistant sur le projet de renforcement de capacité dans le domaine de l’enseignement par le biais du recrutement d’enseignants et la construction de nouvelles structures éducatives.
Cependant, au lendemain de ce discours de politique générale, les médias maliens mettaient en avant le fait qu’en dépit de leurs remarques parfois critiques, les députés avaient voté massivement en faveur de la DPG du Premier Ministre.
Enfin, il fallait noter cette semaine, que le discours de politique générale du Premier Ministre intervenait sur fond de « bruits » faisant état de l’entrée possible de deux leaders de la CMA et de la Plateforme lors d’un futur remaniement ministériel qui pourrait intervenir au lendemain de la signature de l’accord de paix par la CMA. Les noms de Moussa Ag Assarid (CMA) et de Me Harouna Toureh (Plateforme) ont déjà circulé dans la presse. Ces nominations pourraient-elles marquer l’entrée du Mali dans une nouvelle phase ?