POLITIQUE. Le difficile pari de la réinvention de la politique africaine de la France à l’aune du conflit malien

Par Matthieu Damian, directeur de l’Ecole de la paix. La crise malienne, qui coïncide, en France, avec un changement politique marqué par l’arrivée au pouvoir de François Hollande, est l’occasion d’un ré-examen de la politique française vis-à-vis du continent africain. A la tête d’une équipe politique qui doit incarner un changement profond de la manière de faire la politique, François Hollande s’est entouré d’une équipe de conseillers à même d’impulser des politiques fortes en matière de coopération, de sécurité et de projet d’avenir.

 

Alors que l’engagement envers l’Afrique de Jacques Chirac, héritage d’une vision gaulliste de ce que devait être l’influence de la France, était connu de tous, la vision de Nicolas Sarkozy sur le continent et ses problématiques particulières, a, de l’avis des observateurs, fait défaut. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que le programme de l’UMP pour la campagne présidentielle de 2012 ne comportait qu’une piste relativement vague concernant l’Afrique. Force a été de constater qu’au cours de sa campagne présidentielle, son rival, François Hollande ne s’est pas engagé trop avant sur sa politique africaine. Pour faire court, le seul de ses soixante engagements qu’il ait pris sur le « continent noir » a concerné la fin de la « Françafrique », soit la fin des liens trop proches entre le président de la république et des homologues africains mal élus ou… mis en place par la France ou des puissances extérieures[1].

Le Parti Socialiste avait néanmoins travaillé cette question par l’intermédiaire d’une note rédigée par un jeune conseiller diplomatique Thomas Mélonio[2] qui, pour préparer la campagne avait été chargé de rédiger un rapport remis au candidat. Cet écrit a été repris par François Hollande au cours de sa campagne. En effet, ce dernier a pris soin, au cours d’interviews données à des magazines ou revues spécialisées sur l’Afrique, de parler différemment de ce continent. Rappelons que son rival, Nicolas Sarkozy, avait tenu le fameux discours de Dakar dans lequel il avait affirmé que « l’homme africain n’était pas encore assez entré dans l’histoire », qui avait provoqué un déluge de protestations. Le président français d’alors n’est jamais parvenu à faire oublier de tels propos alors que ceux qu’il a pu prononcer, par la suite, une année après, devant le Parlement africain, était celui d’un chef d’Etat[3].

Une chose est de mener une campagne, une autre est d’agir une fois élu. Dès lors, la présente note souhaite mettre en évidence quelques aspects de la présidence de François Hollande vis-à-vis du continent africain depuis son élection : l’engagement sur la Françafrique ; le souhait de ne plus intervenir militairement en Afrique ; les raisons de l’intervention au Mali ; les défis qui attendent le président français dans ce pays.

 

1. Moi président je romprai avec la Françafrique… une promesse en passe d’être réalisée?

 

1.1.  Nouvelle présidence et changements dans les équipes de conseillers en politique africaine.

 Actuellement, la politique africaine de la France est mise en œuvre par quatre acteurs. Le premier est constitué de la « cellule africaine » de l’Elysée. En mars 2013, celle-ci est placée sous la tutelle du Conseiller diplomatique personnel du président de la République soit Paul Jean-Ortiz. Elle ne compte plus que deux conseillers : Hélène Gal et son adjoint, Thomas Mélonio. Citons ensuite le Conseiller Afrique du Ministre des Affaires étrangères, Mme Sophie Makame. Le troisième acteur est la Direction Afrique et Océan indien du Quai d’Orsay avec Jean-Christophe Belliard à sa tête. Enfin, dans une moindre mesure, on évoquera le ministère du Développement où personne n’est en charge d’un dossier Afrique en bonne et due forme, contrairement aux habitudes qui prévalaient lorsqu’il y avait un Ministère de la Coopération. Dès lors, force est de constater que la politique africaine de la France n’est plus dirigée par des hommes tels que Jacques Foccart, Guy Penne, Jean-Christophe Mitterrand, Michel Dupuch ou Michel de Bonnecorse. Soulignons-le, cette cellule « Afrique » n’était pas liée au ministère français des Affaires étrangères ni sous les ordres du premier ministre : elle dépendait directement du président de la République. Si Nicolas Sarkozy a officiellement mis fin à l’existence de cette cellule africaine, le rôle de Robert Bourgi a pu laisser penser que ce dernier poursuivait, de facto, la mission de cette cellule. Or, un François-Xavier Verschave ou d’autres auteurs ont pu souligner à bon droit les pratiques non-démocratiques encouragées par ces proches des présidents successifs de la France.

En mars 2012, François Hollande l’avait d’ailleurs annoncé dans une interview au journal Afrik.com : « Je m’engage par exemple à ce que disparaissent les fameuses « officines », et à n’avoir qu’une seule politique, confiée à notre diplomatie et seulement à celle-ci[4]. » Rappelons également le 58e des 60 engagements de François Hollande dans le projet électoral du Parti socialiste : « (…) Je romprai avec la Françafrique en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité. »

Pour certains observateurs comme Yves Gounin, Antoine Glaser ou Stephen Smith, la Françafrique n’a pas disparu : elle s’est déplacée de la sphère publique vers la sphère privée[5]. A cet égard, une note dédiée à ce sujet pourrait être pertinente si elle s’attaquait aux agissements des entreprises françaises dans le domaine des matières premières, de la gestion des eaux ou encore des concessions des ports.

 

1.2.  La campagne des biens mal acquis, symbole d’une justice française libre

 « Si je suis élu président de la République, je serai le garant de l’indépendance de la justice. Je prends donc l’engagement de ne jamais faire obstruction à des affaires judiciaires en cours. (…) C’est pourquoi je me réjouis de la campagne « Publiez ce que vous payez », mais aussi de l’Initiative sur la transparence des industries extractives et des projets visant à ce que les grandes entreprises publient leurs comptes détaillés par pays[6]. »

Rappelons que la campagne « publiez ce que vous payez » a été lancée en en juin 2002, par Global Witness ainsi que d’autres membres fondateurs tels que CAFOD, l’Institut pour une Société Ouverte, Oxfam Grande Bretagne, Save the Children Grande Bretagne et
Transparence Internationale Grande Bretagne. Ces organisations appellent toutes les compagnies de ressources naturelles à publier les paiements effectués aux gouvernements pour chaque pays d’opération. Depuis lors, de nombreuses autres associations les ont rejoints dans ce travail de plaidoyer[7].

D’autre part, un certain nombre de magistrats français travaillent sur « les biens mal acquis » par un certain nombre de présidents ou de personnalités importantes de différents pays africains. A priori, François Hollande ne s’y oppose pas. Cela peut sembler une évidence au regard de la séparation des pouvoirs. Rappelons cependant le rôle du parquet qui a pu parfois s’opposer à telle ou telle enquête contre des personnalités influentes. On pourrait également citer, entre autres, un Hervé Morin, alors ministre de la défense, écrivant, en 2008, à l’avocat de Pierre Falcone, le marchand d’armes très proche du président angolais Dos Santos pour l’assurer du fait que rien, dans son dossier, ne permettait de retenir des charges contre lui[8].

A la mi-février 2013, des juges ont ainsi effectué une perquisition dans une villa niçoise. Auparavant, des confrères avaient procédé de même à Paris en août 2012  vis-à-vis de biens acquis par le président de Guinée équatoriale, Téodoro Obiang Nguema.

 

1.3. La volonté de changement face au « devoir d’intervention » au Mali

Si Nicolas Sarkozy avait débuté son mandat en laissant le Colonel Kadhafi planter sa tente dans les jardins de l’Elysée, François Hollande, force est de le reconnaitre, à chercher à éviter ce type de geste diplomatique. Les premiers interlocuteurs africains du nouveau président ont témoigné d’une vision réaliste mais ouverte des relations internationales. Les premiers chefs d’Etat africains à avoir été reçus par François Hollande sont Thomas Yayi Boni, Ali Bongo Ondimba, Alpha Condé, Macky Sall, Mahamadou Issoufou, Alassane Ouattara, tous francophones. A la surprise générale, le fils du dictateur gabonais, Omar Bongo, élu en 2009 dans des conditions contestées par ses deux rivaux, a fait partie des invités. Concernant le président nigérien Mahamadou Issoufou, il est arrivé au pouvoir en 2011 dans des conditions régulières, certes, mais suite au putsch mené par Salou Djibo qui remet le pouvoir aux civils à la faveur de la renégociation des contrats avec Areva menée par le président Tandja qui voulait se présenter pour un troisième mandat. La France a-t-elle été mêlée à ce coup ? Emmanuel Grégoire, spécialiste du pays, ne confirme, ni n’infirme une telle possibilité[9].

Des débats s’élèvent pour savoir si François Hollande devait se rendre au sommet de la Francophonie à Kinshasa où son homologue, Joseph Kabila a joué un jeu particulièrement trouble dans l’est du pays où sévit une rébellion menée par le M23. Pour sortir de ce « piège », le président français a pris la décision de se rendre au sommet tout en tenant un discours critique, sur place, vis-à-vis de son hôte. Comme le souligne fort justement Venance Konan, le directeur du journal ivoirien Fraternité matin : « Et un chef d’Etat peut être désobligeant envers un chef d’Etat noir africain chez lui. Ce n’est certainement pas en Algérie que M. Hollande se serait hasardé à se comporter comme il l’a fait en République pas du tout démocratique du Congo[10] ».  

Avant de déclencher une intervention militaire au Mali, François Hollande a dû s’assurer de la neutralité, voire même de l’aide algérienne. Dès lors, le président français a choisi d’être le plus discret possible vis-à-vis de son homologue Abdelaziz Bouteflika. Il est aisé de se rappeler sa discrétion lors de l’opération pour le moins musclée et mal menée de libération des otages sur le site pétro-gazier du sud algérien à In-Amenas au début de l’intervention française au Mali en janvier 2013. Il en va de même concernant la possibilité de discuter avec Idriss Déby, le président tchadien, de la dictature qu’il impose à son pays quand, dans le même temps, celui-ci apporte un soutien important à l’intervention Serval.

1.4 Faire la promotion d’une autre vision du partenariat avec l’Afrique par les actes.

Lors de son discours aux ambassadeurs en août 2012, ou devant l’Assemblée générale des Nations unies quelques semaines plus tard, François Hollande a appliqué son souhait de tenir un autre discours sur l’Afrique, comme il l’avait dit dans son 58ème engagement en tant que candidat. Il a fait de même lors de son discours de Kinshasa, en rappelant quatre priorités pour ce continent : l’éducation, la francophonie comme base de construction du développement, le règlement africain des crises africaines et enfin la lutte contre les réseaux de trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains[11].

Néanmoins, pour éviter l’accusation de tenir des discours creux, François Hollande sera jugé, dans les années qui viennent, sur trois critères importants : une hausse des crédits consacrés à l’Aide Publique au Développement ; une capacité à convaincre ses partenaires, qu’ils soient européens ou membres du G8, à dépenser plus en Afrique ; un soutien aux initiatives démocratiques.

2. Une politique de non-intervention au Mali ou ailleurs en Afrique clamée pendant sept mois

Au cours des premières semaines qui suivent son début de mandat, François Hollande, on l’a vu, rencontre plusieurs présidents africains. Régulièrement, il leur parle de sa volonté d’être présent à leurs côtés, mais en soutien, pour intervenir au Mali.

Dans son discours à la 20ème conférence des Ambassadeurs prononcée le 27 août 2012, le Président  Hollande a rappelé que la France n’interviendrait à l’extérieur de ses frontières que dans le strict respect du droit international et à la condition expresse d’agir en vertu d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU.[12]. Ce discours est également l’occasion pour le président nouvellement élu d’indiquer que la France a pris la mesure de la crise qui bouillonne dans la zone sahélienne et de l’impact déstabilisant que le dénouement de l’intervention libyenne a pu avoir sur la configuration des forces[13]. C’est enfin l’occasion pour le chef de l’Etat d’annoncer la résolution française à appuyer ses partenaires en cherchant avec eux des solutions de médiation tout en envisageant l’éventualité d’une intervention militaire dont les contours et le mandat, alors, n’ont rien de fixé. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre, le président Hollande tient la même ligne. Il fait de même, le mois suivant, à Kinshasa. 

Il fixe un cadre identique au ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius qui, le 29 juillet 2012, effectue une série de rencontres avec plusieurs chefs d’état africains pour évaluer leur volonté de participer à une solution militaire de la crise malienne et sahélienne. On pourrait citer de nombreuses autres rencontres à ce titre du chef du Quai d’Orsay et notamment sa visite à Alger, pour préparer le déplacement présidentiel de François Hollande qui interviendra en décembre 2012 ou encore la visite qu’il vient de faire au Cameroun et au Nigeria.

 

3. Un retournement majeur de politique : l’opération Serval.

Cela faisait un moment que de nombreux responsables politiques ou militaires indiquaient que la France devait intervenir de façon plus forte en Afrique. Ainsi Jean-Marie Guéhenno, responsable de la rédaction du futur Livre blanc de la Défense, avait tenu en décembre 2012, devant la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée nationale, les propos suivants : « S’il y avait eu au Congo une force de réaction rapide capable de donner un grand coup au M23 avant qu’il ne s’empare de Goma, la MONUSCO aurait été perçue très différemment. A l’avenir, la France ne sera pas en concurrence avec le Bengladesh ou le Pakistan pour fournir 10000 hommes aux Nations unies ; cela n’aurait pas de sens et ce serait un grand gaspillage pour nos ressources. En revanche, si nous sommes capables de fournir « le muscle » qui changerait la posture d’une mission des Nations unies, notre contribution serait extrêmement appréciée ». Il ajoutait  » M. Hervé Ladsous, l’actuel secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, m’a indiqué que c’est exactement ce dont il a besoin. La France a un rôle à jouer en cette matière[14]. »

Cependant, à la fin décembre 2012, François Hollande rappelait, inébranlable, qu’il n’interviendrait pas en Centrafrique, où un groupe armé menaçait le président François Bozizé, sauf à défendre et/ou à évacuer les ressortissants français.

Mais alors, pourquoi la France est-elle, dès lors, intervenue au Nord-Mali, à la mi-janvier 2013 ?

Comme le rappelait Laurent Fabius, ministre des Affaires Etrangères, lors de la conférence de Lyon sur le développement au Mali en mars 2013, l’intervention française a été décidée en réponse à la demande expresse du président malien Dioncounda Traoré le 10 janvier.

Pour passer de la légalité à la légitimité de l’intervention, Laurent Fabius rappelait, le 16 janvier dernier, les raisons de l’intervention française au Mali : « Les objectifs de notre engagement, effectué à la demande des autorités maliennes et en conformité avec les prescriptions internationales, sont de stopper les terroristes, pour éviter qu’ils ne prennent Bamako, d’éradiquer leurs bases arrière, de rétablir l’intégrité du Mali et de permettre l’application des décisions internationales prises par les Nations unies, par la CÉDÉAO – Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest – ou, dans un autre domaine, par l’Europe[15]. »

Concernant les raisons non-officielles, on peut en invoquer trois. La proximité des mines d’uranium, qui fournissent le combustible des centrales énergétiques françaises, constitue un premier enjeu. La sécurisation de cette zone doit permettre la reprise de l’
exploitation des sites miniers. La seconde raison, tient aux risques d’enlèvements de ressortissants français que la prolifération des groupes terroristes fait peser et qui empêchent l’extraction sur le site d’Imouraren notamment. Concernant les ressources minières du Mali, nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un argument majeur dans la décision de François Hollande d’ordonner l’intervention militaire. En effet, s’il existe des champs pétrolifères dans la région du Taoudenni, aucune découverte majeure n’a été faite et aucun baril n’a encore été produit au Nord-Mali. Selon André Bourgeot, il y aurait de l’uranium dans l’Adrar des Ifoghas. Néanmoins, là encore, son extraction n’est pas pour demain. Enfin, si le Mali est le troisième producteur d’or en Afrique, cette ressource est nettement moins stratégique que l’uranium ou le pétrole.

La seconde raison est climatique. En effet, en juin, la saison des pluies rendra impossible ou du moins très compliquée toute action sur le terrain[16]. On rappelle que, selon l’article 35 de la constitution française, « lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement.»

Enfin, on peut penser que le « timing » en termes de politique intérieure n’était pas mauvais. En effet, cette décision a été saluée par la classe politique française dans son ensemble. Cela a donné l’image d’un président qui avait de la poigne et qui était capable de prendre des décisions et de s’y tenir, alors que les sondages contestaient précisément cet aspect[17].

 

4.       Le Mali sera-t-il le point marquant d’une nouvelle relation franco-africaine?

 4.1.   Tenter la « guerre juste »

 Michael Walzer rappelle que, pour qu’une guerre soit juste, il faut qu’elle soit juste dans ses causes, juste dans son déroulement et juste dans la façon avec laquelle on la termine.

Nous pouvons proposer quelques arguments en faveur de l’intervention au Mali. En effet, le point de fixation que représentaient les groupes terroristes dans le nord de ce pays allait leur permettre de développer un ancrage territorial durable. En outre, la menace d’intervenir plus au sud aurait pu provoquer une guerre civile dont les conséquences auraient été durables. Enfin, à partir du moment où l’Etat de droit n’était pas respecté sur place, et qu’il y avait une demande des Maliens, et de leur gouvernement, pour intervenir, la France avait toute légitimité pour se rendre sur place.

Au cours de la guerre qui a été menée sur place, l’armée malienne a réalisé quelques exactions pour lesquelles elle devra rendre des comptes. Nous n’avons pas encore entendu vent de pareilles remarques concernant les soldats français ou tchadiens. Si cela devait être le cas, les militaires de ces deux pays devront répondre de leurs actes : il en va de la crédibilité de l’action française sur place.

La France devra proposer que les accords de paix soient axés sur trois grands domaines : proposer une réforme du secteur de la sécurité qui implique que les militaires fassent leur métier. Force est en effet de constater qu’ils ne l’ont pas fait au cours de la
présente crise. Pire, ils sont intervenus dans

le jeu politique en réalisant leur coup d’Etat le 22 mars 2012.

La France devra soutenir un plan de développement pour le Nord-Mali qui soit pérenne et qui repose sur des investissements dans des infrastructures de santé et d’éducation.

Enfin, elle devra soutenir un plan d’action régional qui permette de lutter de façon pérenne contre le retour des groupes terroristes.

 

4.2.   Remettre le politique au cœur des solutions

Le président, Dioncounda Traoré, est intérimaire. Le chef de l’Etat « officieux », le capitaine Sanogo, dispose de nettement moins de pouvoir depuis que l’armée française est présente sur place. Néanmoins, les deux véritables enjeux sont les suivants. Le premier réside dans la mise en place d’élections qui assurent la pérennité de la démocratie malienne. Or, le calendrier proposé pour la fin juillet 2013 semble pour le moins compliqué à tenir. Le second consiste à proposer une solution politique pérenne pour le Nord-Mali. Or, force est de constater que les accords qui ont pu être faits dans les années 1990 puis en 2006, n’ont jamais suffi à régler les différends locaux. Il y aura là un vrai défi à relever où la France pourra proposer son aide, que ce soit sur le plan bilatéral, ou sur le plan multilatéral en proposant à l’Union européenne de s’impliquer beaucoup plus dans la résolution du conflit au niveau sahélien.

 

4.3.   Faire en sorte que notre engagement soit pérenne et conséquent

La France sera jugée sur la façon avec laquelle elle s’implique sur l’après-conflit, dans la durée. En effet, le président français devra convaincre ses ministres, dans un contexte budgétaire très tendu, de faire plus encore d’efforts pour augmenter la part consacrée à l’Aide Publique au Développement. En outre, la France devra continuer ses efforts de constitution de troupes africaines de maintien de la paix. Les sommes dépensées depuis des années en ce sens, que ce soit par les Etats-Unis, la France ou l’Union européenne montrent ici à quel point ces politiques sont inefficaces. Pour le prouver, il n’y a qu’à constater l’absence totale de réaction militaire de la CEDEAO lors de l’avancée des troupes rebelles dans le nord du pays au début de l’année 2012…

C’est un véritable state-building que les pays occidentaux peuvent contribuer à mettre en place. Par où commencer ? Avec deux années de scolarisation en moyenne par enfants au Mali, au Niger, et en Mauritanie et une moyenne de six enfants par femme sur des territoires qui offrent peu de réserves alimentaires, la France semble avoir une priorité en termes de financement : l’éducation ! Tant que les touaregs du Nord-Mali ne disposeront pas d’endroits où apprendre, ils ne pourront accéder à des postes qui leur permettent de devenir des acteurs de la décentralisation qu’on leur promet. Et même s’ils y parviennent, ce sera pour mieux témoigner de leur incompétence à remplir leurs tâches. Il en va d’ailleurs de même au Niger où une telle revendication commence d’être mieux comprise, ce qui a permis d’éviter la contagion de la rébellion touarègue au départ, vers leurs confrères du pays voisin.

 

Conclusion

La politique de François Hollande en Afrique et notamment au Mali ne se situe pas dans la continuité de celle mise en place par Nicolas Sarkozy, sans être complètement nouvelle pour autant. Elle se situe plutôt dans un entre-deux qui est celui de la continuité pour une partie d’entre elle, notamment pour des raisons financières qui ne permettront pas de faire beaucoup mieux que précédemment sur de nombreux pays.

En revanche, en ce qui concerne le Mali, on devrait aller vers une meilleure mise en commun des politiques de développement, des politiques de défense et des politiques du Quai d’Orsay. Si Laurent Fabius, Pascal Canfin et Jean-Yves Le Drian parviennent à articuler une réelle politique commune, la politique française au Mali pourra être novatrice et surtout, pourra contribuer à faire du Mali un territoire de paix et non un territoire d’où des terroristes exportent leur savoir-faire. S’ils n’y parviennent pas, l’échec rejaillira sur la politique africaine de la France et peut-être constituer le « syndrome somalien » qui, après l’échec des Etats-Unis dans ce pays en 1993, avait poussé la première puissance mondiale à ne plus impliquer de troupes sur le territoire africain, permettant ainsi que des massacres à grande échelle puissent se produire au Rwanda sans que la communauté internationale n’intervienne de façon rapide et responsable alors même que les comptes-rendus des horreurs perpétrées sur place étaient diffusés dans les chancelleries.

 


[4] HOLLANDE François,  « Le regard français sur l’Afrique doit changer », afrikcom, 27 mars 2012

[5] QUENOT-SUAREZ Hélène et LOSTE Aurore, « L’Afrique en questions n°13. « Hollande l’Africain » ? La politique africaine de la France à la croisée des chemins. Interview de Yves Gounin », Les actuelles de l’IFRI, septembre 2012

[6] HOLLANDE François,  « Le regard français sur l’Afrique doit changer », afrikcom, 27 mars 2012

[9] GREGOIRE Emmanuel, « Niger : un Etat à forte teneur en uranium », Hérodote, 3ème trimestre 2011, pp.206-225

[10] KONAN Venance, « Le Mali : vrai test de la politique africaine de M. Hollande », Le Monde, 24-25 décembre 2012

[11] HOLLANDE François, « La Francophonie, porteuse de valeurs, de principes, d’exigences », 17 décembre 2012, http://www.geopolitique-africaine.com/la-francophonie-porteuse-de-valeurs-de-principes-dexigences

[12] Discours de M. François Hollande à la XXème Conférence des Ambassadeurs, 27 août 2012

[13] idem

[14] « Audition de Jean-Marie Guéhenno, président de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale », Compte-rendu de la Commission des Affaires étrangères du 4 décembre 2012

[16] CHAIGNEAU Pascal, « Empêchons la création d’un « Sahelistan » », Le Monde, 14 janvier 2013