VERBATIM. Dialoguer (méthode 1)

Par Florent Blanc et Richard Pétris. «En définitive, rien ne remplace un homme qui connaît d’autres hommes et peut tenter de les comprendre. » Ainsi répondait Jean-François Deniau, diplomate et homme politique français plusieurs fois ministre, lorsqu’on lui demandait ce qu’il fallait penser de la première guerre d’Irak, en 1991. Guère étonnant : Jean-François Deniau était aussi navigateur, grand reporter, écrivain et poète. Cet académicien, humaniste et « citoyen du monde », disait alors combien, au milieu de la fureur et des tragédies qu’engendre le fracas des armes, nous devons rester attentifs aux mains tendues et au dialogue.

Beaucoup d’autres ont modelé leur engagement sur cette devise. Tel le cinéaste égyptien Youssef Chahine, constatant la situation d’impasse et d’incompréhension au Moyen-Orient, rendue encore plus difficile par la désastreuse intervention américaine en Irak : « Comment voulez-vous qu’ils se rencontrent ? Pour pouvoir dialoguer, il faut plus que tolérer, il faut aimer l’autre ! C’est-à-dire aimer sa différence. »

Autre exemple, celui des « pères de l’Europe » qui, obsédés par le « plus jamais ça ! » et désireux de rompre définitivement avec la culture de la guerre responsable de tant de ruines, inventèrent la construction européenne. Tout était dans la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 qui a lancé le processus de réconciliation et de coopération entre la France et l’Allemagne, une action destinée à prévenir une autre tragédie. Une méthode unique basée sur des actes, des gestes, des paroles et des valeurs prioritaires : la main tendue au lieu de la force ; la reconnaissance de l’autre comme partenaire et non plus comme ennemi ; la paix plutôt que la vengeance ; la coopération plutôt que l’individualisme ; la solidarité plutôt que l’égoïsme ; l’union plutôt que la division.

Cet appel à l’intelligence a eu des effets considérables, bien au-delà du rapprochement entre deux peuples et deux pays, pour déboucher sur un ensemble de 27 pays ayant décidé d’unir leurs destins autour de règles de vie commune dont on moque volontiers les aspects bureaucratiques ou technocratiques mais qui sont aussi des conditions concrètes et pratiques du « vivre ensemble ». Ce « vivre ensemble » qui commence donc par le dialogue, comme le montrent les articles qui suivent.

La communauté de Sant’Egidio est réputée pour le rôle qu’elle a su jouer au Mozambique en mettant en mouvement l’engrenage du dialogue qui a conduit au compromis puis à la consolidation de la paix. Les fondateurs d’Harmony Village aux Philippines croient dans le dialogue interreligieux pour favoriser la négociation politique et la paix.

Sans oublier l’apport des femmes et de leurs modes d’actions spécifiques pour peser sur les conflits. Dans chaque cas, nous pouvons nous référer à l’acte fondateur de l’Unesco : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut élever les défenses de la paix. »

Ce texte a été rédigé au printemps 2011 par Richard Pétris et Florent Blanc pour l’ouvrage « Oser la paix » publié en collaboration avec les éditions Autrement, dans la collection Mook.