VERBATIM. Négocier (méthode 2)

Par Florent Blanc et Richard Pétris. «Il faut des négociations et un travail collectif pour trouver l’équilibre réaliste des intérêts sur lequel seulement peut se fonder une paix solide. » Quand il prononce ces mots, Mikhaïl Gorbatchev, alors dirigeant de l’Union soviétique, participe à la Conférence de la paix de Madrid (octobre 1991) aux côtés du président américain George Bush. Les deux grands sont réunis autour d’une même table pour discuter non pas de la fin de la Guerre Froide, mais de l’impact qu’ils peuvent avoir, en agissant de concert, pour créer les conditions d’une paix durable au Moyen-Orient.

Quelques années auparavant, lors d’une visite officielle pendant laquelle il admirait la Grande Muraille de Chine, le leader de l’ex-URSS avait déclaré qu’il y avait « déjà trop de murs entre les hommes ». Si d’aucuns ont cru voir dans cette petite phrase l’acceptation tacite de la future chute du mur de Berlin, c’est néanmoins l’indication du souci du rapprochement des hommes et des peuples qu’il semble nécessaire de souligner ici.

La négociation est à appréhender comme un travail de longue haleine mené collectivement et qui doit permettre de créer un lien nouveau entre les hommes, les positions, les valeurs et les stratégies par lesquelles un avenir commun se dessine. Son objectif ? Créer un autre contrat social destiné à lier les négociateurs et les parties qu’ils représentent, tout en constituant les bases d’un lien futur entre des autorités politiques et leurs populations.

L’équilibre par lequel naît une paix durable implique cet effort de compréhension mutuel et d’explication patiente. Car lui seul peut permettre de gagner ou de rétablir le « partage équitable de la confiance », condition indispensable de la réconciliation selon l’écrivain Jean Hatzfeld, dont une partie de l’œuvre est consacrée au génocide rwandais.

C’est là qu’interviennent les facilitateurs du dialogue, ces agents de la relation entre les peuples souvent désignés sous le terme un peu restrictif de « société civile ». Petites mains de la relation entre des peuples que le politique séparait, ces acteurs citoyens savent imaginer, par-delà les frontières et les lignes de fractures géopolitiques, les outils d’un dialogue rattachant les peuples du monde entier et créant les bases d’un village global en devenir.

Le diplomate américain George Kennan créa pour cela le terme aujourd’hui récurrent de «Track II Diplomacy », la seconde voie diplomatique. Un hommage à la créativité des acteurs, capables de trouver, inlassablement, les ressources d’un dialogue continu, et d’inventer les outils de règlement pacifique des conflits.

Le chapitre qui suit présente quelques-unes de ces initiatives de négociation en donnant à voir, ou plutôt à découvrir, certains acteurs clés de la paix que nous partageons comme un bien commun mondial, et certains outils qu’ils ont su inventer pour trouver cette paix juste qui ne peut se concevoir sans l’approbation de tous.

Ce texte a été rédigé au printemps 2011 par Richard Pétris et Florent Blanc pour l’ouvrage « Oser la paix » publié en collaboration avec les éditions Autrement, dans la collection Mook.