- Cartographie animée: les violences au Mali de juillet 2011 à février 2016
- CARTE. Les événements de violence au Mali de janvier à février 2016.
- CARTE. Les événements de violence au Mali de septembre à décembre 2015.
- ANALYSE. Vacances gouvernementales et prise d'otage au Mali
- ANALYSE. Les groupes armés dans le gouvernement et la tenue des élections locales
NÉGOCIATIONS. Colombie, la double voie des négociations de paix (CINEP-PPP#4)
Par Férnan E. Gonzalez G., S. J. (CINEP/PPP). Les négociations en cours à La Havane suscitent débats et tensions au sein de chaque parti et groupe présent autour de la table. La contribution qui suit se démarque par l’analyse politique des enjeux auxquels sont confrontés chacune des coalitions qui ont pour charge de négocier les termes d’une paix durable pour la Colombie.
Dans un premier temps, je veux indiquer ma réticence personnelle à faire des analyses trop conjoncturelles. Je suis plus à l’aise dans les études historiques ou structurelles d’une longue ou moyenne durée qui comptent avec des informations plus complètes et posées, d’un caractère moins immédiat. Pour les mêmes raisons j’ai une préférence pour suivre les nouvelles conjoncturelles par la presse écrite et des réserves face aux informations à la radio et à la télévision, à cause de leur tendance à regarder les événements avec la mentalité du feuilleton mexicain ou d’un film de cow-boys où les mauvais et les bons sont clairement identifiés dans une confrontation manichéenne. Néanmoins, je comprends que la conjoncture est une façon de concrétiser, dans le temps et l’espace actuels, des tendances structurelles et des processus historiques de longue et moyenne durée.
Une fois faite cette précision, je commence à me rappeler de quelques idées posées dans mon article “Horizons de paix” du dernier numéro de « Cents Jours vus par le CINEP » (édition n° 77 de décembre 2012), qui a essayé de situer l’actuel processus de négociation, partie intégrante du processus complexe de la construction d’une paix soutenue et prolongée et qui abordait des problèmes structurels liés avec la manière dont l’État et la société colombienne se sont construits au long des années. De là, l’insistance de la nécessité que le pays apprenne à bouger dans un processus lent, graduel et conflictuel, marqué par des progressions et des reculs, sans attendre une solution définitive à tous les problèmes de la société colombienne, réussie du jour au lendemain.
Et différencier ce qui se fait dans un dialogue entre les FARC et la commission du gouvernement Santos, de la postérieure reconstruction du pays et d’autres réformes qui solutionnent des tensions amassés à long terme.
La nécessité des reformes est évidente, qui profitent à la démocratie du pays et remplissent les besoins de la grande majorité du pays au niveau social et économique. On a conclu alors que les conversations actuelles ont constitué une excellente structure d’opportunités pour réussir à avancer dans la quête d’une sortie négociée du conflit armé : l’acceptation de l’existence d’un conflit armé par le gouvernement Santos et l’appui évident des frères Raul et Fidel Castro et des présidents des pays voisins comme Hugo Chavez, Evo Morales et Rafael Correa, signifiaient un contexte favorable pour les négociations.
Alors, pour rentrer dans la question de cette approche de l’enjeu, je veux commencer par caractériser le moment actuel de la crise du processus, provoqué para la séquestration de trois membres de la force publique, à partir du contraste entre deux processus différents de la paix, qui obéissent à différentes logiques et divers procédures : celles qui sont en train de se développer à La Havane entre représentants du gouvernement Santos et les FARC et celles qui ont lieu au sein de la société colombienne, qui se manifestent principalement dans les médias, où ceux qui ont la voix la plus forte sont les groupes hostiles ou rétifs aux négociations. Ces moyens, parmi lesquels on remarque l’ex-président Uribe et ses adeptes,
ont développé une importante campagne médiatique, qui a été analysée récemment par Juan Carlos Palou dans un numéro récent de « Raison Publique »; en contraste, les défenseurs du processus sont peu et timides, réduits principalement aux éditeurs et analystes de la presse écrite qui ne réussissent pas à contrecarrer la domination presque absolue des premiers à la radio et à la télévision.
Le résultat de ce contraste se reflète dans la baisse de l’opinion favorable aux processus dans les enquêtes d’opinion, qui est passée de 72% qui approuvaient les conversations en janvier dernier à 66% la semaine dernière, tandis que ceux qui attendaient un résultat favorable aux négociations sont descendus de 50 à 38% ( El Tiempo, 8 février de 2013). Et une enquête plus récente, reproduite par la presse le 19 février 2013, est encore plus pessimiste : El Espectador (19 février 2013) a constaté l’optimisme modéré des négociateurs de deux côtés avec le peu de soutien des citoyens, seulement 37,67% des personnes interrogées ont approuvé la gestion de la paix par le gouvernement Santos, contre 52,29% qui la désapprouvait. Le pessimisme sur la réussite du processus était bien marqué : 62,34% ne croyaient pas que le processus allait se finir par un accord de paix contre seulement 20,26% qui le voyaient avec un certain optimisme (El Tiempo, 19 de février 2013). Pour sa part, El Nuevo Siglo ( 19 février 2013) a accusé les FARC du problème, puisque 76,7% considéraient qu’ils n’avaient pas de vraies intentions de paix, contre uniquement 14,3% qui opinaient le contraire.
Ce journal indiquait aussi que 54,3% des gens pensaient que la sécurité avait empiré contre 19,13% qui la voyaient s’améliorer, tandis que la lutte du gouvernement contre les dites Bacrim était vue très négativement par 67% des personnes.
Ces contrastes m’amènent à suggérer, comme hypothèse, qu’il est possible que la confrontation de ces deux voix de négociations puissent finir par rendre non viables les conversations de La Havane, parce qu’une opposition généralisée de l’opinion publique peut forcer le gouvernement à se retirer de la table de négociations, comme c’est arrivé au Caguán. Et cela pourrait bloquer les avancés de la négociation, comme indiqué tant par le président Santos que par l’ex vice président De la Calle ainsi que par les personnes qui ont eu un accès aux groupes négociateurs. On parle ainsi de la bonne ambiance interne au groupe, l’empathie entre les militaires de deux côtés, la réceptivité des délégués de la guérilla face à l’information et l’analyse des experts. Et, spécialement, de la plupart de propositions concrètes qui ont été faites publiques par les FARC, qui montrent une évidente distance par rapport à l’approche abstraite, générale et idéologique des problèmes, qu’ils avaient dans le passé tel un ton pamphlétaire qu’ils assumaient traditionnellement.
Le réalisme des propositions des FARC
Si on analyse globalement les propositions, on remarque qu’elles sont concrètes et susceptibles de négociation,
leurs solutions seront complexes mais elles ne sont pas trop loin de ce qui a été postulé par les experts analystes de l’académie. Des sujets comme le questionnement de l’usage prédominant des sols pour l’élevage extensif, les limitations à l’expansion de la frontière agraire, le droit à l’eau, la défense des territoires des indigènes et des afro-colombiens, la réorganisation du territoire, la légalisation ou régulation des drogues d’usage illicite, la restitution des terres et la souveraineté alimentaire méritent une analyse plus profonde des experts et de l’opinion publique. Elles ne sont pas trop lointaines des propositions de réformisme graduel et qui donne des possibilités au gouvernement Santos, et qui rappelle les idées d’Albert Hirchsman et les propositions du président Lleras Restrepo. Et, évidemment, elles coïncident avec quelques propositions et suggestions du Forum Agraire, réalisé par l’Université Nationale de Bogota, comme le faisait noter Dario Fajardo dans son article dans le journal de l’Université Nationale du 10 février dernier. Et même avec quelques-uns de nos documents du projet sur le thème agraire, financé par l’Union Européenne.
Il y a quelques propositions de thèmes plus compliqués comme l’autonomie politique et administrative et ce qui concerne la dénommée territorialité paysanne, relative aux zones de réserve paysanne, qui pourraient être interprétées comme une réédition des dénommées “républiques indépendantes” des années soixante.
(Il convient de se rappeler que pendant la période de la Violence, dans les années 1950, il y a eu des républiques indépendantes de guérillas libérales, conservatrices et communistes). On pourrait aussi entendre comme un renoncement au projet guérillero de prise du pouvoir national, pour se concentrer sur le pouvoir local dans les zones où ils ont une influence sociale et une légitimité politique. Dans ce cas, il faudrait discuter le type de relation qu’auraient ces autorités locales avec le pouvoir central, spécialement la relation que les gardes et la milice des FARC auraient avec la police et l’armée nationale. Dans certains cas, comme en Amérique Centrale, se sont créées des forces policières conjointes dans les deux groupes.
La gestion hostile de quelques moyens de communication
Néanmoins, le réalisme des propositions des FARC et l’optimisme modéré, tant des négociateurs comme du gouvernement, contrastent ouvertement avec la campagne presque systématique d’une bonne partie des moyens de communication, spécialement les informations à la radio et la télévision (la presse écrite a des positions plus mesurées, spécialement El Nuevo Siglo et El Espectador, avec Semana, évidemment). Quelques informateurs et commentateurs profitent de toute opportunité possible pour présenter le processus de la manière plus défavorable et délégitimer ainsi la volonté politique de paix de la guérilla, en même temps qu’ils soulignent, de manière apparemment paradoxale, les coups significativement plus durs qu’ont donné aux FARC les forces de sécurité de l’État, qui, en saine logique, devraient aussi délégitimer la volonté de paix du gouvernement.
Ce double rasoir s’est fait évident dans les journaux au sujet des violations de la trêve unilatérale, décrétée par les FARC, qui, selon les analystes spécialisés (depuis le CERAC et Arco Iris jusqu’à l’observatoire uribiste de Rangel) a été respectée en partie, entre 50 et 80%. Néanmoins, quelques informations augmentaient et sur-dimensionnaient les faits violents, additionnant les attentats de l’ELN contre les infrastructures et les actions
défensives des FARC face aux attaques de la force publique. Malgré tous ces efforts, la diminution des actions violentes était évidente, même celles de l’armée.
Quelque chose de similaire est arrivé avec l’attente exagérée d’une grande escalade des activités belliqueuses des FARC après le cessez-le-feu unilatéral et qui a été induit par l’information générée par les forces de sécurité de l’état mais amplifié et exagéré par les journaux. Même si on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’ils arrêtent du jour au lendemain les attaques contre la force publique et les attentats terroristes, les actions armées ont continué de chaque côté. C’est un fait évident qu’il n’y a pas eu une augmentation substantielle des actions belliqueuses des FARC, ce qui laisse entendre, selon certains, une certaine fragilisation militaire de ce groupe.
La baisse d’intensité des actions belliqueuses ou terroristes se fait évidente dans ses peu d’actions, comme la séquestration de deux policiers dans le Valle et un soldat à Nariño, la mort des policiers dans la Guajira et les attaques isolées à Nataga (Huila) et Caloto (Cauca) ou plus récemment à Caqueta et Putumayo (même si ces deux derniers cas semblent d’un caractère offensif majeur). Aussi, on peut indiquer le peu d’impact du cessez-le-feu dans le Chocó et l’échec de la volonté de créer une crise généralisée dans le Cauca. Néanmoins, dans les derniers jours se sont produites des actions offensives plus importantes dans le Caquetá, à Sumapaz et d’autres actions isolées dans différentes régions. Mais cela ne suffit pas à montrer une récupération de l’action militaire par cette guérilla. Et, en contraste avec cette capacité militaire réduite des FARC, les forces de sécurité de l’État ont réussi à donner des coups forts aux FARC dans le nœud de Paramillo, dans les montagnes de Cordoba (bombardement dans lequel est mort Jacobo Arango, chef du Vème front des FARC) et dans le Caguán.
Dans ce contexte de contrastes, a eu lieu la séquestration de deux policiers dans le Valle, avec la condamnation conséquente de l’opinion publique nationale et internationale. Au tour de ces faits, il y a eu plusieurs positions : selon certains, la condamnation de la séquestration de la part de l’opinion publique a obligé la guérilla à modifier son comportement, tandis que pour d’autres, le double jeu de la guérilla se faisait évident, utilisant la séquestration pour mettre la pression sur l’arrêt bilatéral des actions belliqueuses. D’autres allaient plus loin pour indiquer une possible rébellion de certains fronts contre les négociations de ses chefs nationaux avec le gouvernement, qui montrerait une certaine malaise des bases guérilleras face à la non insistance ou mention de l’échange des guérilleros prisonniers, ce qui était une des obsessions de Tirofijo. Mais, d’autres pensaient que le problème obéissait au manque de communication de la tête avec certains fronts, d’autres parlaient que le commandement des FARC ne contrôlait plus la totalité des fronts, tandis que d’autres voyaient le problème comme un fait fortuit ou hasardeux, exécuté spontanément par un
groupe isolé qui a suscité l’intervention du commandement central, chaque fois plus conscient des effets politiques contre productifs de la stratégie de la séquestration par la légitimité politique du groupe.
Néanmoins, cet incident a produit un résultat positif : la confirmation de la part du gouvernement et des négociateurs des FARC de la volonté d’isoler le développement des conversations de la Havane des événements de la guerre interne et de la discussion politique nationale autour d’eux.
Mais, il faut remarquer le peu d’impact qu’a eu la libération des détenus dans les médias comme dans l’opinion publique en général, on pourrait supposer que cet acte mettrait en évidence une certaine volonté de paix de la part des FARC et même, une certaine capacité de réaction politique de ce groupe devant la pression de l’opinion publique nationale et internationale.
Des doutes sur la viabilité du processus
Ce résultat amène avec lui une interrogation sur la viabilité de cette dualité des positions au long et moyen terme, parce qu’il ‘est évident qu’elle peut provoquer graduellement une ambiance d’opinion qui rende non viable la continuité des négociations. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’analyser en détail le fond de cette dualité et les conséquences qui peuvent en dériver.
De mon point de vue, cette dualité illustre, en premier lieu, les problèmes que pose l’option d’un dialogue au milieu du conflit, duquel l’opinion publique et les médias n’ont pas pu ou n’ont pas voulu être conscients. En un second lieu, cette dualité met en évidence les tensions internes produites par l’ambiguïté de la gestion politique des conversations à la Havane que font tant les FARC que le gouvernement.
Évidemment, les deux aspects sont intimement articulés : d’un côté, l’opposition à l’arrêt bilatéral des opérations avec la volonté explicite de redoubler l’offensive de l’armée contre les réduits des FARC et la belligérance verbale et médiatique du Ministre de la défense et de certains commandants militaires, obéissent à la nécessité d’éloigner le fantôme du Caguán de l’opinion publique et montrer la distance du gouvernement face aux manœuvres de la guérilla qui utilisait la négociation et la zone démilitarisée pour se renforcer militairement et continuer avec la séquestration et l’extorsion.
D’un autre côté aussi, les discours et déclarations fortes des chefs des FARC, comme Ivan Marquez y Timochenko, cherchent à calmer ses adeptes et sympathisants pour les convaincre qu’ils n’ont pas trahis la “cause révolutionnaire” ni désertés la lutte populaire. En ce sens, ce message tranquillisant des chefs guérilleros face à leurs adeptes ressemble au discours de ligne dure du gouvernement, engagé à faire perdre la valeur des attaques des secteurs uribistes contre n’importe quel type de négociation avec ce qu’ils considèrent narco-terroristes et délinquants communs et
tranquilliser l’opinion publique adverse au processus, en affirmant que les fautes du président Pastrana dans le Caguán ne vont pas se répéter.
Le problème est que ces doubles messages font ouvertement contraste avec la timidité et la vacuité des affirmations des défenseurs des négociations et des participants dans les conversations, tant de la part du gouvernement comme de la guérilla. Les interventions publiques de condamnation face à la séquestration des policiers et de refus des propositions de la guérilla en dehors de la table, qui cherchent seulement à compenser son isolement politique de ces années, de la part de l’ex vice-président De La Calle, illustre aussi ce contraste ambigu. Néanmoins, il est important d’indiquer que, dans les derniers jours, le président Santos s’est montré plus disposé à défendre publiquement les avancées du processus, surtout après sa rencontre avec la Conférence Episcopale. Aussi les messages plus récents des négociateurs de chaque côté, à la veille de reprendre les conversations, démontrent un certain optimisme modéré et l’espoir d’un accord partiel sur le thème de la terre (agraire).
Néanmoins, cet optimisme modéré contraste avec l’hostilité quasi générale de l’opinion publique contre les FARC et le scepticisme quasi unanime par rapport à sa volonté de paix, qui se voit renforcer par les informations sur les actions belliqueuses et terroristes, qui n’ont pas de rapport avec le contexte d’une négociation au milieu du conflit.
De mon point de vue, les tensions et ambiguïtés face au conflit sont pour une bonne part le résultat d’une profonde méfiance produite pour le double jeu de ce groupe avec les négociations de paix avec les gouvernements de Betancur et Pastrana, qui ont été habilement mises à profit pour obtenir des avantages militaires. Cette méfiance s’est vue fortifiée par le syndrome de l’échec d’El Caguán, qui a été habilement utilisé par Uribe Velez pour renforcer sa vision manichéenne du conflit, réduite à l’attaque des délinquants narco-terroristes contre un État pleinement légitime, en approfondissant de cette manière la délégitimation politique des FARC.
L’arrière fond manichéen de la politique
Cette utilisation du “fantôme de El Caguán” correspondait à une vision prédominante manichéenne de la politique, entendue comme un affrontement entre le Bien et le Mal absolus, entre lesquels en peut pas avoir compromis ni négociation, et avec une vision bipolaire du monde et de la société, hérité de la guerre Froide, mais rééditée par personnages comme Bush et Uribe (du côté droit) et Chavéz, Evo Morales, Rafael Correa, Fidel et Raul Castro. Ces visions de la politique et du monde se trouvent tant dans les groupes de droite comme à gauche et évidement dans beaucoup des mouvements sociaux de diverses orientations. Dans plusieurs de ces groupes on observe une tendance anti politique et anti état avec certains airs d’anarchisme populiste, qui interprète la vie politique comme une contra position entre Peuple et Oligarchie (Il convient de se rappeler que pendant la période de la Violence, dans les années cinquante, il y a …., de laquelle l’État est un simple instrument, dans un approche homogénéisant à l’État et la Société. Ces regards ont comme conséquence un tiède appui de la gauche et des groupes alternatifs aux négociations de paix, à côté d’une étriqué d’une peu abondante projection politique et publique des mobilisations du nominé Société Civil, qui a des intérêts immédiats de ses luttes ( pour l’habitat, la santé, l’éducation et services) et qui ne se considèrent en rapport avec la vie
politique ni avec les négociations de la Havana, de manière immédiate.
Pour compliquer plus la situation, cette vision manichéenne de la société a empêché la réussite d’un consensus de la société colombienne sur la nature, l’origine et les causes du conflit armé qui se reflète par le refus d’Uribe Velez et de ses partisans à reconnaître un quelconque sens politique et idéologique à la lutte guérillera, dont les motivations sont réduites à la recherche de bénéfices économiques à travers le narcotrafic, l’extorsion et la séquestration.
Cette négation de la reconnaissance du conflit interne est le fond des divergences entre Uribe et Santos qui se rééditent avec les commentaires des adeptes du premier, comme José Felix Lafaurie, Vicente Torrijos, Saul Hernandez, Fernando Londoño, Paloma Valencia, Rafael Nieto Navia et Rafael Nieto Loaiza. Ils s’opposent tous aux négociations avec les FARC parce qu’ils affirment qu’on ne peut pas dialoguer avec délinquants, mais dans certains d’entre eux on peut observer une bien caché et parfois explicite résistance aux reformes qui changent le status quo, particulièrement en rapport à l’usage de la terre par l’élevage extensif.
Le réalignement politique autour des dialogues
Néanmoins, ces polarisations ont apportés des conséquences positives comme le recadrage politique en fonction des différences idéologiques et des intérêts sociaux et économiques dont l’absence a été un des thèmes les plus critiqués par les analystes politiques. Maintenant on peut observer un scénario plus clair des tendances et des groupes politiques : on perçoit une certaine tendance a délimiter entre l’extrême droite, droite modéré et centre droite, face à un déplacement de ce qui reste de la gauche et une certaine quête de consensus des groupes de centre-gauche. Ainsi, dans le parti conservateur se trouvent des acteurs ouvertement critiques à la négociation comme José Darío Salazar et Marta Lucia Ramirez et évidement, le procureur Ordoñez, à eux on pourrait joindre le groupe conservateur de Fabio Valencia Cossio et Juan Gomez Martinez et le groupe de Luis Alfredo Ramos qui a migré vers le parti de la U, pour s’approcher du Pur Centre démocratique de Uribe Velez, avec les uribistes pur sang du camp plus à droite du parti de la U. comme Oscar Ivan Zuluaga, Carlos Holmes Trujillo et Juan Carlos Velez. La question qui sortirait de cet groupement serait sur la force électorale qui aurait le groupe et la capacité d’entrainement qu’aurait l’ex-president Uribe pour trouver une force législative conséquente, vu le peu de capital électoral qu’ont la plupart d’entre eux au niveau individuel, puisque seulement les groupes de Fabio Valencia Cossio et Luis Alfredo Ramos semblent avoir un poids électoral à Antioquia. Au camp opposé aux négociations s’ajoute Liliana Rendón qui a réussi à réunir beaucoup des votes à Antioquia.
Un autre enjeu qui auraient les conservateurs serait la possibilité que quelques conservateurs uribistes comme José Félix Lafaurie, Marta Cecilia Ramírez y José Dario Salazar cherchent à imposer l’un d’entre eux comme candidat conservateur, pour trouver après une alliance avec le Centre Democrátique d’Uribe. La position du président du parti est claire, le sénateur Efrain Cepeda, en maintenant l’alliance avec l’Unité Nationale de Santos, mais sans écarter non plus complètement l’option du candidat propre ( El Espectador, 15 de febrero 2013). L’option du nord de Santander Lina Maria Barrera, en soulignant que le parti conservateur avec 176 ans d’histoire, no pouvait pas s’allier avec
une “collectivité qui n’existe pas encore”; en plus, elle a indiqué qu’il fallait attendre que le Président Santos annonce sa décision de se réélire ou pas, avant de prendre la décision d’avoir un candidat ( El Nuevo Siglo, 9 de février 2013).
De son côté, Fernando Araújo n’a pas écarté l’option d’avoir un candidat tandis que Telésforo Pedraza assure qu’aucun des candidats uribistes représentait l’idéologie conservatrice et Cepeda réitérait qu’un parti avec 163 ans d’histoire ne s’alliait pas avec un parti nouveau né (El Nuevo Siglo,16 février 2013).
Face à cette alliance des courants de la droite, on peut entrevoir un certain accord de la droite modérée du conservatisme avec certains groupes politiques qui peuvent se cataloguer de centre ou de centre droit. Pareil qu’une certaine réactivation des courants les plus réformistes du parti libéral, tant du groupe plus technocrate et progressif du parti (Cesar Gaviria, Rafael Pardo) comme celui considéré proche de la social-démocratie (Ernesto Samper, Horacio Serpa, Piedad Cordoba).
Dans le parti de la U., aucun consensus n’apparaissait au début du processus de négociation: tandis que le sénateur Juan Lozano réitérait certains points non-négociables comme l’arrêt des actes violents, la libération des personnes séquestrées et la fin du recrutement des mineurs, le président de la Chambre de représentants, Augusto Posada affirmait qu’il préférait voir Timochenko parlant au capitole plutôt que tirant des balles. Armando Benedetti, lui, soulignait que l’agenda de Santos était la quête de la paix et le parti qui n’aime pas ça resterait sans bureaucratie : ce serait un ultimatum pour les conservateurs (El Espectador, 29 d’août 2012). Évidement a été clair le soutien politique au processus des négociations de la part du président du Sénat, Roy Barreras.
Ainsi, au camp du soutien des dialogues de paix de La Havane, s’ajouteraient aussi certains propriétaires terriens régionaux moins à droite et certains politiques professionnels des régions, moins dépendants des groupes des propriétaires des terres d’élevage et plus liés à la bureaucratie d’état du centre et des régions.
Il y aurait une certaine approche entre les convictions réformistes et modernisatrices, avec un certain degré d’opportunisme politique de certains chefs régionaux, par sa dépendance des faveurs bureaucratiques de l’État central. A côté de ces approches de politiques traditionnels on observe la présence de responsables politiques du Parti Vert et du groupe des Progressistes dans l’impulsion des tables régionales de Paix, appuyés par les commissions du Congrès et des hommes politiques traditionnels des régions et localités. Par ailleurs, les acteurs économiques appuient clairement ses négociations comme la SAC et le Groupe d’Antioquia mené par Nicanor Restrepo. Ce dernier et son groupe ont dédié les pages éditoriales et les commentateurs de El Colombiano pour offrir un fort appui au processus (El Colombiano, 6 février 2013). Rafael Mejia, président du conseil d’administration de la SAC, envisage avec optimisme un accord possible entre entrepreneurs, moyens et petits paysans (El Tiempo, 23 décembre 2012). La plupart des analystes des questions liées à la terre, comme Absalon Machado, se trouve des points en commun comme l’éradication des grandes propriétés rurales improductives, la nécessité de la reconversion des terres d’élevage pour l’agriculture et la reforestation (point qui est accepté même par José Felix Lafaurie, président de FEDEGAN) mais aussi la possibilité de la convivialité entre propriété paysanne et des entrepreneurs (El Tiempo, 20 janvier 2013).
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L’existence de ces points en commun a été reconnue par les négociateurs des deux côtés, Ivan Marquez (El Nuevo Siglo , 24 janvier 2013) comme Humberto de la Calle Lombana, à côté des signalement des différences (El Tiempo, 25 janvier 2013).
L’appui du cardinal Salazar
Dans ce processus de polarisation et de délimitation politique il est important de détailler l’appui aux négociations de l’Havane de la part du cardinal Rubén Salazar, évêque supérieur de Bogotá et président de la Conférence épiscopal colombienne, en contraste avec les réticences et critiques manifestés par d’autres prélats. Pour le secrétaire de la Conférence Épiscopal, José Daniel Falla, le processus avait commencé mal : il avait été une erreur de ne pas avoir exigé à la guérilla la libération de tous les séquestrés avant de s’asseoir à la table des négociations (El Nuevo Siglo, 2 de février 2013). De son côté, l’évêque émérite de Garzón et président du tribunal national ecclésiastique, avait soutenu qu’on ne voyait pas aucun horizon au processus parce que les seigneurs de la guérilla continuaient à dire qu’ils n’avaient pas commis des crimes tandis qu’ils continuaient en séquestrant et en tuant, même sous l’arrêt annoncé des hostilités (El Nuevo Siglo, 19 janvier 2013).
En échange, le cardinal Salazar a affirmé que la disqualification du processus appelant aux émotions et sentiments n’était pas le meilleur chemin, vu les blessures qui restent ouvertes. Cependant, il s’est montré ouvert face aux critiques constructives qui mènent à la quête de la paix. De plus, il a précisé qui était normal qui continuent les affrontements belliqueux de la part des FARC et de l’armée, vu qu’on avait accepté dès le début l’idée de dialoguer au milieu du conflit. Pour lui, ce qui n’est pas normal c’est de poursuivre un conflit pendant plus de cinquante ans avec des morts tous les jours.
Il a insisté dans la reconnaissance de l’existence d’un conflit interne et a reconnu le contrôle que la guérilla avait sur la population civil dans les régions périphériques du pays, où la présence de l’État avait été traditionnellement fragile. Néanmoins il a assuré que le rejet de la population face aux attentats est chaque fois plus fort et il a remarqué “l’absurdité de la guerre”. De là, le refus de l’évêque supérieur aux attaques du processus de la part de ceux qui croient que la seule sortie du conflit est la “voie de l’extermination”. Pour cela, il a conclu en donnant son plein appui au processus de paix, au nom de la Conférence Épiscopale, en offrant la contribution de l’Église Catholique pour “acclimater la paix” dans les régions et les communautés. Mais, il a clarifié que son alliance n’était pas avec le gouvernement de Santos ni avec la guérilla des FARC mais avec la paix “sous quelque gouvernement que ce soit” (El Espectador, 8 février 2013). Finalement, après la rencontre entre le président Santos et la Conférence Épiscopale, le cardinal Salazar a invité le pays à dépasser le pessimisme et à accepter que le processus était en train d’avancer, malgré les sérieuses difficultés et les critiques justifiée. Dans le même temps, il se mettait à disposition des négociateurs pour collaborer de quelque manière à la résolution du conflit (El Nuevo Siglo, 8 février 2013).