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PARTAGE. L’attente de Mohammed, Touareg réfugié à Bamako
Florent Blanc. Les Touaregs des régions du Nord Mali sont nombreux a avoir été contraints de fuir l’arrivée des troupes rebelles. Nous retrouvons ici une famille de Tombouctou arrivée il y a quelques mois à Bamako après avoir passé plus de dix-huit mois dans un camp en Mauritanie. Ils nous racontent la vie dans le camp et évoquent leurs inquiétudes concernant le sort de leurs enfants. Tous attendent de pouvoir rentrer chez eux, au Nord et reprendre le cours de leurs vies.
Les amis de mes amis sont aussi les miens. La maxime, au Mali, se vérifie tous les jours. En cherchant à échanger avec des ressortissant de la région de Tombouctou c’est le nom de Mohammed qui m’a été soufflé par une association grenobloise active dans le tourisme solidaire et le développement durable.
Un coup de fil plus tard et me voilà invité à partager un repas de mouton. Taxi, direction l’autre bout la ville pour un quartier à la périphérie ouest de la capitale. La ville défile sous les fenêtres du taxi. J’ai l’impression de ne voir de Bamako que les bribes de villes qui se présentent à la fenêtre ouverte des Mercedes hors d’âge.
Le quartier où j’arrive est un ensemble de maisonnettes blanches entourées de cours. Les manguiers côtoient les bougainvilliers, les chèvres se mêlent aux enfants, les hommes observent le monde assis à l’ombre à coté d’une théière qui chauffe sur de petits réchauds. Mohammed est à la tête d’une famille de dix enfants dont le plus vieux est à l’université en Algérie et le plus jeune sur le point de découvrir l’école primaire.
Dans son salon, assis sur des coussins, le repas est servi une fois les présentations faites et les premiers vœux échangés. Ce qui frappe c’est la chaleur de l’accueil, la facilité avec laquelle je me sens accueilli par un homme que je ne connais que par mise en relation.
Je réalise au bout de quelques paroles que je connais Mohammed. Le contact grenoblois m’avait raconté des bribes de son histoire, et notre conversation reprend donc à partir des éléments qu’on m’avait fournis. Mohammed est arrivé à Bamako au mois d’aout quand il a décidé que sa famille pouvait quitter le camp de réfugiés à la frontière mauritanienne dans lequel elle avait passé plus de 18 mois.
Mohammed, sa femme et leurs enfants avaient fuit l’arrivée des troupes rebelles islamistes qui se sont emparées de Tombouctou au printemps 2012. Parce qu’il est Touareg et fonctionnaire, Mohammed était directement visé par les rebelles qui ont pillé et mis à sac la plupart des institutions de l’Etat, poussant les fonctionnaires sur les routes de l’exode. Les populations non-touaregs ont fuit vers le sud, les Touaregs vers la Mauritanie ou le Burkina.
Le camp qui les a abrité a compté jusqu’à près de 100 000 personnes au milieu d’une zone désertique. Les agences et ONG urgentistes ont assuré la provision de nourriture et l’organisation d’une unité
de soin de base. Quand j’ai appris l’existence de Mohammed, au printemps 2013, une association grenobloise l’avait équipé d’un enregistreur pour qu’il puisse collecter la parole des réfugiés du camp.
Pendant un an et demi, les enfants de Mohammed n’ont pas eu accès à l’école. Le plus vieux, alors étudiant en sociologie à Bamako, a du fuir à Alger pour poursuivre ses études. Aujourd’hui, c’est avant tout au retour des plus jeunes enfants à l’école que les parents pensent.
Depuis leur arrivée à Bamako, la mère s’inquiète des propos violents dont ses enfants sont la cible de la part de certaines personnes. Les enfants sont stigmatisés, pour la couleur de leur peau, par des personnes qui les associent à des rebelles. Il y a quelques jours, un de ses fils s’est fait prendre à partie par cinq garçons qui voulaient le battre.
Les parents qui expliquent que ces phénomènes de stigmatisation n’existaient pas avant la dernière crise, mettent ces attitudes sur le compte de ce qu’ils appellent l’amalgame. Le terme renvoie à la référence des Maliens à la couleur de peau des habitants mais aussi aux noms de familles pour les ranger dans une case à laquelle est associée des traits de caractères, et dans le cas présents, des crimes qui sont loin d’être imputables à l’ensemble des populations d’une même ethnie.
La famille pense maintenant remonter à Tombouctou dans quelques jours. La route est longue mais Mohammed doit reprendre son poste, relancer les projets. Les enfants vont retrouver l’école, même si les pillages les ont transformer pour beaucoup en coquilles vides. La reconstruction va être lancée. L’espoir des parents c’est qu’un message positif soit envoyé en direction des réfugiés qui préfèrent encore rester à la frontière mauritanienne pour le moment. Les accords de paix et les négociations en cours concernant la réintégration éventuelle des militaires qui ont déserté les rangs, constitueraient des signes extrêmement positifs pour favoriser un retour des réfugiés.
Comme dans nombre de mes conversations, l’école est au cœur des préoccupations des maliens où qu’ils se trouvent et quelque soit l’ethnie ou la famille dont ils font partie. Il faut néanmoins prêter attention à ce que disent Mohammed et sa femme : la société malienne, plus particulièrement les populations du sud, ont pour certains, une mauvaise opinion des peuples du nord et des Touaregs en particulier. L’amalgame doit être adressé de manière sérieuse pour que les relations autrefois sans problème majeur entre les ethnies qui cohabitent au Nord retrouve la simplicité que permettent les cousinages à plaisanterie traditionnels.