TECHNIQUE. Médiation familiale: réapprendre le dialogue pour résoudre les conflits.

Par Joanna Deneuve. Initiée par des militants ainsi que par des professionnels des affaires familiales, motivés par la recherche de solutions consensuelles, la médiation familiale connaît depuis 1989 un essor constant en tant que moyen alternatif de résolution des litiges. C’est à travers les travaux réalisés par les associations de professionnels que la médiation s’est structurée, reconnue depuis 2003 par un diplôme d’Etat. Retour sur une technique de restauration d’un dialogue pacifié.

médiation justice conflit familleQu’est ce que la médiation familiale ? Que peut-elle apporter à un conflit ? Ces questions que de nombreuses personnes se posent, méritent réponse. En France, la médiation familiale s’inscrit dans le courant de la médiation sociale. Pour nombre d’avocats, de même que pour beaucoup de juges des affaires familiales, ce mode alternatif de résolution des litiges a suscité de multiples interrogations1. Aujourd’hui, ce processus est un outil majeur dans le traitement du contentieux familial et a notamment été introduit dans le Code civil par la loi de 2002 relative à l’autorité parentale. L’Etat a d’ailleurs reconnu l’exercice du métier de médiateur familial en créant un diplôme d’État par le décret du 9 décembre 2003. Cette pratique a pour but d’apporter, avant toute chose, une écoute en vue d’aboutir à un accord durable entre les parties au conflit, en fonction de leurs intérêts respectifs2. Une définition a été proposée par le Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale en 2003. Elle est ainsi définie comme « un processus de construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de ruptures ou de séparations dans lequel un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision – le médiateur familial – favorise à travers l’organisation d’entretiens confidentiels, leur communication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution »3.

La médiation familiale amène à bannir les termes d’impasse, de voie sans issue. L’apaisement et la pacification sont les mots clefs de la réforme du divorce du 26 mai 20044, dont le but est de favoriser les règlements à l’amiable et de rendre les parties plus responsables des conséquences de la rupture. C’est précisément là qu’elle intervient.

Selon une étude s’appuyant sur le bilan annuel d’activité des services de médiation familiale ainsi que sur une évaluation réalisée dans les services de la Caisse d’Allocations Familiales, les trois quarts des médiations familiales ont eu un impact positif. Cela se traduit entre autre par le fait que six sur dix aboutissent à un accord5. Mais qui sont ces couples et ces familles qui font appel à un tiers pour les aider à régler leur conflit ?

D’une part, il est nécessaire de souligner que trois prononcés de divorce sur cinq sont renvoyés devant le Juge des affaires familiales pour une demande de modification6. Ces procédures sont souvent introduites deux à trois années qui suivent la dissolution de
mariage. Il faut préciser que ces procédures ne visent généralement pas à régler une situation ponctuelle mais plutôt à entretenir une sorte de « guerre conjugale ». Il est important de noter, d’autre part, que les diverses pièces et attestations à fournir pour le dossier ainsi que les plaidoiries des avocats, sont souvent la source initiale du conflit. Ce conflit a une fâcheuse tendance à se cristalliser et la décision du juge, bien que réfléchie et motivée, fige souvent cette situation conflictuelle, bloquant ainsi toute possibilité d’une « résolution apaisée ». L’application d’une règle de droit ne suffit pas à résoudre les différends familiaux, où l’affectif, l’émotionnel, le passionnel et la souffrance sont en jeu. C’est dans ce genre de contexte que la médiation vient rétablir le dialogue, rendu douloureux par la procédure de justice.
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Au cours d’un entretien récent, Denise Para, greffière à la Maison de la justice et du droit de Grenoble, précisait que la médiation familiale peut être directement initiée par le juge aux affaires familiales7. En revanche, celui-ci doit recueillir l’accord préalable des parties au litige. Les parties peuvent aussi s’adresser directement à un médiateur familial, voire en faire la demande auprès du juge qui siège au tribunal de grande instance, afin qu’il le désigne pour parvenir à une solution négociée. En 2010, le service « Institution Familiale » a reçu 47 familles : 37 de ces médiations étaient l’initiative d’une au moins des parties et 10 étaient sollicitées par le juge. Le service a réalisé 147 entretiens8. Ces chiffres traduisent donc une volonté de la part des parents ou des familles de parvenir à une entente afin d’éviter le recours au juge tout cela dans un délai raisonnable.

En outre, selon Marie Madeleine Boussarque, ancienne Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand, dans le cadre de la protection de l’Enfance, avec la médiation familiale, plus de la moitié des dossiers pour lesquels une médiation familiale a été ordonné, ont eu une évolution positive. De fait, les parents ayant eu recours à ce processus affirment avoir gagné un certain respect mutuel. Ils discutent ensemble et surtout évoluent dans un intérêt commun. Dans le cas d’un divorce, par exemple, l’enfant subira les répercussions du conflit parental qui auront des conséquences sur ses émotions et son comportement. Il est donc primordial de protéger l’intérêt de l’enfant9.

Dès lors, le médiateur a pour but de travailler sur le lien de communication, d’essayer de rétablir un dialogue direct entre les parties, en sollicitant la prise de responsabilité et l’écoute mutuelle. C’est donc aussi donner, redonner le pouvoir de décision aux justiciables tel que le précise Mme Fabienne Allard, juge des affaires familiales au TGI de Tarascon « ordonner une médiation, c’est dire aux personnes qu’elles sont capables de décider »10.

Mais ce processus ne traite pas des émotions. Il accueille seulement une écoute et une prise en considération des besoins, valeurs et attentes de chacun. Ses objectifs essentiels sont d’établir une communication constructive, reconstruire des liens, organiser les droits et les
devoirs ainsi qu’aborder certaines questions financières11. Dans une étude parue en mars 2011, il est flagrant de constater que les médiations qui s’arrêtent avant d’avoir atteint leur objectif ne sont en général pas des échecs. De fait, 40 % de ces procédures donnent lieu à un accord, une avancée manifeste dans la résolution d’une partie du conflit ou dans la modification des relations père/mère/enfant12. Des facteurs d’apaisement sont donc visibles13.

Parvenir à recueillir des témoignages directs s’avère compliqué en raison de la confidentialité des échanges. Voici cependant un extrait de témoignage cité par Marc Juston dans « Justice et Médiation Familiale » :

« Je me permets d’affirmer que la médiation familiale qui nous a été́ imposée par le magistrat instructeur dans notre dossier en instance de divorce a été́ très bénéfique pour renouer le dialogue complètement rompu entre mon ex-épouse et moi-même. La compétence, la disponibilité́ et la psychologie des personnes qui ont eu en charge cette médiation (en l’occurrence pour nous l’Association Résonances) nous ont permis de prendre de la distance et de dissocier nos problèmes personnels d’adultes pour trouver des solutions à la gestion de la situation en prenant, en particulier et principalement, en compte l’avenir des enfants.

La totalité́ des problèmes a été́ évoquée par ordre d’importance définis par nous et nous avons essayé de les régler dans un esprit positif, aidés en cela par la médiatrice, sans qui il n’aurait pas pu exister de dialogue. Tout simplement parce que la tension était trop vive et qu’il faut une tierce personne pour toujours réorienter les débats et éviter que tout cela dégénère en bataille verbale et stérile. Je pense aussi que la qualification de la personne qui joue ce rôle de médiateur est un des principaux atouts de réussite et qu’il lui est nécessaire d’avoir une formation adéquate pour réussir à jouer son rôle. Ce fut le cas pour moi ».

Signe des temps, la médiation familiale gagne du terrain. De plus en plus reconnue comme un moyen de prévenir la paralysie conflictuelle, cette méthode alternative est fréquemment initiée par le justiciable. En réapprenant les bases et les techniques du dialogue, les familles cherchent à retrouver un réel respect l’un envers l’autre. Grâce à un accompagnement réussi, la médiation est une formation dans le renouement du dialogue en vu d’un accord commun. En outre, on peut parler d’ouverture vers soi et vers les autres, une redécouverte de la relation à l’autre, dans sa richesse et sa complexité, une reconstruction des liens dans un sens positif14. Ainsi, les familles repartent avec une expérience enrichissante exploitable dans d’autres domaines.

Joanna Deneuve

1« Justice et Médiation Familiale », Marc Juston (Président du Tribunal de Grande Instance de Tarascon, 13)

2 http://www.famille-mediation.com, l’alternatif au conflit dans les familles.

3 www.unaf.fr/spip.php?action=telecharger&arg=194, Conseil national consultatif de la
médiation familiale
. Décembre 2004, travaux et recommandations.

4 http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-vote/loi-du-26-mai-2004-relative-au-divorce.html, De quoi s’agit-il ?

5http://www.apmf.fr/spip.php?article315, Etude sur la Médiation Familiale – Politiques Sociales et Familiales – Mars 2011.

6 « Justice et Médiation Familiale », Marc Juston (Président du Tribunal de Grande Instance de Tarascon, 13).

7 http://www.grenoble.fr/TPL_CODE/TPL_LIEU/PAR_TPL_IDENTIFIANT/24/203-guide-des-lieux.htm

8 http://www.udaf79.fr/services/l-institution-familiale, L’institution familiale.

9 http://www.stopviolence.fr/page28.php, Participation des enfants

10 « Justice et Médiation Familiale », Marc Juston (Président du Tribunal de Grande Instance de Tarascon, 13).

11 http://www.espace-mediation.be/3_g_etapes.html, un espace pour faire place à l’entente.

12 http://www.apmf.fr/spip.php?article315, Etude sur la Médiation Familiale – Politiques Sociales et Familiales – Mars 2011.

13 http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=6&ved=0CEEQFjAF&url=http%3A%2F%2Fwww.catholiques.aladefense.cef.fr%2FIMG%2Fpdf%2F2009-09-24_Conference_sur_la_mediation_par_Catherine_COMMUNE_et_Murielle_LERAY.pdf&ei=RsZEUKSlH8XNhAfhrIHIAw&usg=AFQjCNHsd9pcByurKy5WVl0t-TL2dlkAvg

14 http://mediation.
pem.free.fr/
,
« La médiation familiale » de Roseline Edelman.